L’entreprise est une forme d’organisation récente : elle a un peu plus de deux cent ans. Elle a connue quelques ancêtres, comme les banques florentines dès le XV° siècle, les « compagnies » (des Indes ou d’ailleurs) de commerce international au XVII°. Mais c’est au XIX° que l’entreprise a connu son essor, avec la notion de responsabilité limitée, de capital, d’actionnaires, de managers, de salariés.
Au XX° siècle, l’entreprise privée ou publique a été le moteur du développement économique et social dans les pays développés (à l’exception de l’URSS ou l’état l’avait émasculée). A la fois lieu de mobilisation de ressources humaines, technologiques, et financières, lieu de production de l’offre vers le marché, communauté hiérarchisée et organisée, l’entreprise a relégué l’état au rang de parasite économique. La majorité des individus « vivent » dans une entreprise. Le chômage, c'est-à-dire l’exclusion du clan, est devenu la principale malédiction de l’individu. Le rôle de l’état s’est effrité et celui du capitalisme financier, des fonds d’investissements aux fonds de pension, s’est affirmé. Les actions sont devenues, à côté de l’immobilier, la principale forme de placement de l’épargne. Les gains de productivité de l’entreprise ont été partagés entre consommateurs, actionnaires et salariés, permettant aux revenus d’augmenter avec régularité au-delà de l’inflation
Depuis quelques années la machine s’est grippée.
Quels sont les principaux symptômes de l’obsolescence de l’entreprise, du moins de la grande entreprise ?
D’abord le pouvoir devenu dominant des managers salariés. Les dirigeants considèrent qu’ils ont propriétaires de « leur » entreprise et se battent bec et ongle contre des tentatives de prises de contrôle, plus pour préserver leur poste et leur pouvoir que dans l’intérêt réel de leurs actionnaires.
Les conseils d’administration, supposés représenter les actionnaires et « contrôler » les dirigeants, sont souvent des chambres d’enregistrement peuplés d’amis et d’obligés, soutenant les dirigeants jusqu’au bout, même quand leurs résultats justifieraient une mise à l’écart rapide dans l’intérêt de l’entreprise.
Symptôme de cette position privilégiée, les dirigeants augmentent leur rémunération de façon considérable : en 2007, les salaires moyens des patrons du CAC 40 ont augmentés de…58%. Les deux millions des francs du salaire du PDG de PSA avaient choqués. Aujourd’hui, il serait considéré comme un nouveau pauvre par ses pairs, qui émargent tous à plusieurs millions d’euros.
Les dirigeants, pour calmer des actionnaires individuels sans pouvoir réel, ou satisfaire des actionnaires financiers, cherchent à augmenter marges et dividendes en limitant les hausses de salaires et en gardant pour l’entreprise l’intégralité du bénéfice des gains de productivité. Parallèlement, toujours dans un souci d’augmentation du profit à court terme, les entreprises pratiquent des stratégies de domination, se créent ou se font attribuer un monopole, et utilisent leur pouvoir de prix pour « créer de l’inflation », bien au-delà des hausses des matières premières qui leurs servent parfois de prétexte pour augmenter leurs marges.
Celles qui ne bénéficient pas d’un monopole n’hésitent pas à faire d’illusoires promesses aux clients avec pour objectif réel d’augmenter volumes et prix. Monsanto prétends que les OGM vont supprimer la faim dans le monde, mais ils servent essentiellement à développer ses marges.
Enfin, le pouvoir des entreprises sur le monde politique est devenu invincible. Les lobbies se déchaînent dès qu’une loi menace leur intérêt même si elle est conforme à l’intérêt général. On l’a vu en France pour les OGM. On le verra pour la loi de modernisation économique, ou le producteurs se battront pour les lois Galland et Raffarin, les distributeurs pour la loi Royer et tous se ligueront contre les envahisseurs Teutons du hard discount ayant le culot de proposer des produits de qualité, sans marque, à des prix bas. Aux Etats-Unis, les dépenses de lobbying et le nombre de lobbyistes ont été multipliées par dix en dix ans. Les organismes de régulation des monopoles, comme la FTC aux Etats-Unis, ont été émasculés par un exécutif aux relations incestueuses avec les grandes entreprises. Seule la commission européenne fait de la résistance et tente de préserver un semblant de marché, mais sous les huées. L’état a abandonné son rôle de régulateur dans le sens de l’intérêt général, et enfilé les chaussettes de l’obligé complice ou de l’actionnaire repu.
Il existe bien sûr quelques grandes entreprises vertueuses, payant correctement leurs employés et offrant un produit de qualité à des clients satisfaits, comme Toyota, Tesco, Ikéa, Lafarge, Apple, Google, Zara ou Ryanair. Mais elles ne sont pas majoritaires.
Nous vivons aujourd’hui les conséquences de cette évolution. Les salaires stagnent, le chômage est élevé, beaucoup de dirigeants sont déresponsabilisés, les prix augmentent sans frein : tous les ingrédients d’une crise grave sont en train de mijoter. Le mérite et la compétence s’effacent derrière la politique ou la chance. La société se fracture en riches et en pauvres. La différence de potentiel deviens si forte qu’un courant à très haute tension risque d’en griller plus d’un.
Les entreprises et leurs dirigeants ne doivent pas être diabolisés. Ils ne font qu’obéir au précepte d’Adam Smith : maximisez votre intérêt personnel. Mais dans le monde idéal de Smith, la somme des égoïsmes individuels œuvrait pour l’intérêt général, dans notre monde capitaliste moderne, les égoïsmes individuels détruisent l’intérêt général. Le système économique et social centré sur l’entreprise menace ainsi de tomber en panne, déchiré par des tensions brutales dont l’origine se trouve dans la stratégie même des plus grandes de ces entreprises.
Au XX° siècle, l’entreprise privée ou publique a été le moteur du développement économique et social dans les pays développés (à l’exception de l’URSS ou l’état l’avait émasculée). A la fois lieu de mobilisation de ressources humaines, technologiques, et financières, lieu de production de l’offre vers le marché, communauté hiérarchisée et organisée, l’entreprise a relégué l’état au rang de parasite économique. La majorité des individus « vivent » dans une entreprise. Le chômage, c'est-à-dire l’exclusion du clan, est devenu la principale malédiction de l’individu. Le rôle de l’état s’est effrité et celui du capitalisme financier, des fonds d’investissements aux fonds de pension, s’est affirmé. Les actions sont devenues, à côté de l’immobilier, la principale forme de placement de l’épargne. Les gains de productivité de l’entreprise ont été partagés entre consommateurs, actionnaires et salariés, permettant aux revenus d’augmenter avec régularité au-delà de l’inflation
Depuis quelques années la machine s’est grippée.
Quels sont les principaux symptômes de l’obsolescence de l’entreprise, du moins de la grande entreprise ?
D’abord le pouvoir devenu dominant des managers salariés. Les dirigeants considèrent qu’ils ont propriétaires de « leur » entreprise et se battent bec et ongle contre des tentatives de prises de contrôle, plus pour préserver leur poste et leur pouvoir que dans l’intérêt réel de leurs actionnaires.
Les conseils d’administration, supposés représenter les actionnaires et « contrôler » les dirigeants, sont souvent des chambres d’enregistrement peuplés d’amis et d’obligés, soutenant les dirigeants jusqu’au bout, même quand leurs résultats justifieraient une mise à l’écart rapide dans l’intérêt de l’entreprise.
Symptôme de cette position privilégiée, les dirigeants augmentent leur rémunération de façon considérable : en 2007, les salaires moyens des patrons du CAC 40 ont augmentés de…58%. Les deux millions des francs du salaire du PDG de PSA avaient choqués. Aujourd’hui, il serait considéré comme un nouveau pauvre par ses pairs, qui émargent tous à plusieurs millions d’euros.
Les dirigeants, pour calmer des actionnaires individuels sans pouvoir réel, ou satisfaire des actionnaires financiers, cherchent à augmenter marges et dividendes en limitant les hausses de salaires et en gardant pour l’entreprise l’intégralité du bénéfice des gains de productivité. Parallèlement, toujours dans un souci d’augmentation du profit à court terme, les entreprises pratiquent des stratégies de domination, se créent ou se font attribuer un monopole, et utilisent leur pouvoir de prix pour « créer de l’inflation », bien au-delà des hausses des matières premières qui leurs servent parfois de prétexte pour augmenter leurs marges.
Celles qui ne bénéficient pas d’un monopole n’hésitent pas à faire d’illusoires promesses aux clients avec pour objectif réel d’augmenter volumes et prix. Monsanto prétends que les OGM vont supprimer la faim dans le monde, mais ils servent essentiellement à développer ses marges.
Enfin, le pouvoir des entreprises sur le monde politique est devenu invincible. Les lobbies se déchaînent dès qu’une loi menace leur intérêt même si elle est conforme à l’intérêt général. On l’a vu en France pour les OGM. On le verra pour la loi de modernisation économique, ou le producteurs se battront pour les lois Galland et Raffarin, les distributeurs pour la loi Royer et tous se ligueront contre les envahisseurs Teutons du hard discount ayant le culot de proposer des produits de qualité, sans marque, à des prix bas. Aux Etats-Unis, les dépenses de lobbying et le nombre de lobbyistes ont été multipliées par dix en dix ans. Les organismes de régulation des monopoles, comme la FTC aux Etats-Unis, ont été émasculés par un exécutif aux relations incestueuses avec les grandes entreprises. Seule la commission européenne fait de la résistance et tente de préserver un semblant de marché, mais sous les huées. L’état a abandonné son rôle de régulateur dans le sens de l’intérêt général, et enfilé les chaussettes de l’obligé complice ou de l’actionnaire repu.
Il existe bien sûr quelques grandes entreprises vertueuses, payant correctement leurs employés et offrant un produit de qualité à des clients satisfaits, comme Toyota, Tesco, Ikéa, Lafarge, Apple, Google, Zara ou Ryanair. Mais elles ne sont pas majoritaires.
Nous vivons aujourd’hui les conséquences de cette évolution. Les salaires stagnent, le chômage est élevé, beaucoup de dirigeants sont déresponsabilisés, les prix augmentent sans frein : tous les ingrédients d’une crise grave sont en train de mijoter. Le mérite et la compétence s’effacent derrière la politique ou la chance. La société se fracture en riches et en pauvres. La différence de potentiel deviens si forte qu’un courant à très haute tension risque d’en griller plus d’un.
Les entreprises et leurs dirigeants ne doivent pas être diabolisés. Ils ne font qu’obéir au précepte d’Adam Smith : maximisez votre intérêt personnel. Mais dans le monde idéal de Smith, la somme des égoïsmes individuels œuvrait pour l’intérêt général, dans notre monde capitaliste moderne, les égoïsmes individuels détruisent l’intérêt général. Le système économique et social centré sur l’entreprise menace ainsi de tomber en panne, déchiré par des tensions brutales dont l’origine se trouve dans la stratégie même des plus grandes de ces entreprises.
3 commentaires:
Bien vu mais..
N'oublions pas les Vénitiens.
Zara nest vraiment pas un modèle de social.
Oui et aussi les Génois inventeurs de la banque moderne...
Les vénitiens, les chinois,les arabes, les genois,les florentins yes yes yes il y en a plein!
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