mardi 4 mai 2010

Il faut que la Grèce fasse défaut


Il faut que la Grèce fasse défaut

Avec une touchante unanimité, tous les commentateurs et les politiques de la zone euro estiment qu’il est vital de ne pas laisser la Grèce faire faillite. Ils répètent à l'infini deux arguments :

-le « défaut » de la Grèce, reconnaissant qu’elle ne peut plus rembourser ses dettes, aurait un effet domino sur d’autres pays de la zone euro, comme le Portugal voire l’Espagne, l’Angleterre ou l’Italie, précipitant ainsi une « crise systémique »…

-le défaut de la Grèce la ferait sortir de la zone euro, mettant en cause celle-ci et précipitant une chute de l’euro.

L’Allemagne est vertement critiquée, elle qui a pour de basses raisons de politique intérieure, a été trop exigeante avant d'accepter de « sauver la Grèce ».

Mais si la faillite de la Grèce était une bonne chose pour le Grèce et même pour l'Europe….Et si l’Allemagne avait été non trop dure, mais trop molle…

La Grèce ne peut plus faire face aux remboursements d’une dette exorbitante. La faillite d’un état, comme celui d’une entreprise, ne fait que constater l’impossibilité de rembourser des emprunts en gelant ceux-ci et en forçant les créanciers à accepter une perte sur les prêts réalisés. Contrairement à la connotation catastrophique du mot « faillite », la cessation de paiement n’est pas un drame. C’est une solution à une situation devenue insupportable.

Les banques qui depuis deux ans empruntent à 0% et prêtent à 4% à des états souverains perdraient une partie des cent milliards d’euros prêtés à la Grèce. Mais elles ont fait preuve d’irresponsabilité en prêtant à un pays qui allait d’évidence dans le mur. N’est-il pas normal qu’elles soient pénalisées pour leur imprudence sachant qu’elles ont par ailleurs gagné des dizaines de milliards d’euros en prêtant aux états .

Ce sont d’ailleurs les banques qui soutiennent en sous-main le plus vigoureusement le plan d’aide à la Grèce, grâce à leur accès aux pouvoir politiques, aux ministères des finances et aux media, non car ce plan est conforme à l’intérêt général, mais tout simplement parce qu’il leur permets d’échapper à la sanction de leur imprudence. Pile je gagne, face tu perds, telle est la devise des banques modernes. Elles ont tout intérêt à faire du catastrophisme en prédisant que le défaut de la Grèce serait la fin du monde, pour éviter des pertes à court terme.

Avant d'analyser les solutions, comprenons pourquoi la Grèce est en cessation de paiement.

Ses responsables politiques, qui faisait déjà joyeusement du déficit avant la crise de 2008, ont continué à dépenser massivement pendant la crise, alors que leurs recettes fiscales s’effondraient.

Ces déficits récents et considérables ont été justifiés par une vision Keynésienne primaire : pour stopper la crise il faut du déficit ! Allons-y, dépensons, soyons laxistes, c’est bon pour nos économies embourbées dans la récession.

Mais les gouvernements Grecs, comme ceux de tous les pays européens, n’ont pas compris que la relance par les déficits est une illusion à l’heure de la mondialisation. Les déficits budgétaires européens relancent surtout…la croissance Chinoise. La Chine est devenu le principal exportateur mondial grâce à la sous-évaluation du Yuan et à l’efficacité d’un système de délocalisation structurelle, et mettre de l’argent dans les poches des consommateurs européens relance surtout la machine industrielle chinoise.

Les états ont évités d’accentuer la crise de 2008 en ne commettant pas les erreurs de 1930 (équilibres budgétaires et dévaluation compétitive), mais ont cru à tort que leurs déficits massifs permettraient une relance suffisante pour… revenir à l’équilibre budgétaire. La stagnation des économies européennes et les déficits apocalyptiques de l’Angleterre, de l’Espagne ou de l’Italie démontrent l’énormité de l’erreur d’analyse commise par tous les états. Tous sont touchés, mais ceux qui étaient les plus fragiles avant la crise, comme la Grèce, sont les premiers à s’effondrer.

La crise Grecque n’est donc pas conjoncturelle mais structurelle. La Grèce est dans une impasse dont la seule issue logique est le défaut, le gel des dettes. A part écorner les profits de quelques banques imprudentes, quelles seraient les conséquences d’un défaut Grec ?

Positivement, la cessation de paiement Grecque ferait comprendre que l’irresponsabilité des états, pas plus que celui des banques, ne peut être impunie. Cela permettrait plus de rigueur future, non sous le couperet de la menace de faillite, mais en avance de phase.

La cigale grecque a besoin de rigueur. Mais sans défaut de la Grèce, tout le poids de cette rigueur va peser sur les salariés ou les retraités Grecs, qui vont devoir se serrer la ceinture non seulement pour réduire le déficit mais aussi pour rembourser les prêts de banques imprudentes et maintenant les aides d’états faussement confraternels…

La faillite aurait pour effet de répartir la douleur entre les prêteurs et les Grecs, en allégeant pour ces derniers le poids d’une austérité socialement explosive. Quant une personne, une entreprise ou un état est surendetté, la faillite n’est pas une punition. C’est une solution pour alléger le poids devenu intolérable de la dette.

La faillite Grecque ferait sortir la Grèce de l’Euro. Et alors ? En quoi la sortie de la Grèce de l’Euro serait t’elle une catastrophe. Un des principaux pays de l’Union Européenne, qui s’appelle l’Angleterre, n’est pas dans l’Eurozone et pourtant l’Euro est fort.

En fait, l’extension de la zone euro a été probablement trop rapide et s’est faite avec des pays trop fragile pour supporter la discipline monétaire qu’implique l’Euro, qui supprime notamment la possibilité de dévaluer sa monnaie pour retrouver une compétitivité perdue et des équilibres compromis.

La sortie de la Grèce de l’Euro ferait initialement baisser l’Euro. Mais pourquoi considérer la baisse de l’Euro comme un mal, alors que notre principal concurrent, la Chine, s’acharne avec succès a maintenir au cours le plus bas possible sa monnaie, le Yuan ! La baisse de l’Euro serait bénéfique pour les exportations et donc pour la croissance et l'emploi européens. Elle ne pénaliserait que les banques ou les entreprises endettées en dollars et que les importateurs ou les distributeurs, mais ceux-ci engrangent des profits indus depuis des années grâce à la sous-évaluation du dollar ou du yuan, ce ne serait donc qu’un juste retour des choses.

A terme, la sortie de la Grèce renforcerait l’Euro, comme d’ailleurs la sortie éventuelle des autres pays les plus faibles, comme le Portugal. Une zone euro limitée à la France, l’Allemagne, le Benelux, l’Italie et l’Espagne serait plus solide que la zone euro actuelle, fragilisée par des pays marginaux. Le Danemark est dans l’Union européenne et pas dans la zone euro sans que ce soit la fin du monde…

Le « défaut » de la Grèce et son départ de la zone euro auraient des conséquences très supportables, mais surtout faciliteraient son redressement et permettrait son retour éventuel dans la zone euro une fois son économie et ses finances publiques assainies. C’est ce que l’Angleterre essaie d'ailleurs de faire en laissant filer la Livre pour se refaire une santé en boostant ses exportations.

Pourquoi masquer la vérité, abandonner une solution naturelle, et laisser les banques échapper à une sanction en aidant la Grèce à se maintenir dans l’euro et à éviter le défaut ? Les pertes des banques seraient tout à fait supportables et ne feraient que réduire leurs profits redevenus anormalement élevés. Et si demain le Portugal suivait le chemin Grec, la zone euro en sortirait renforcée, les banques survivraient, et le redressement des pays concernés en serait facilité.

La théorie des dominos a été utilisée par les américains pour justifier la guerre du Vietnam et par Goldman Sachs pour déclencher le soutien à AIG. Mais il est des cas ou il est préférable de crever l’abcès plutôt que de laisser le pus s’accumuler.

Si Monsieur Papandréou était lucide et courageux, s’il mettait en avant l’intérêt des Grecs au lieu d’une fierté mal placée à ne pas faire « faillite », ou d’une connivence curieuse avec les banques et leurs alliés les ministères des finances des grands pays, il refuserait le plan de soutien, déclarerait le gel des dettes Grecques et sortirait de la zone Euro. Pour le bien des Grecs, de la Grèce, et de l’Europe.