lundi 8 novembre 2010

Air France, TF1, Alstom, ou la concurrence au rebut


Certaines entreprises n’aiment pas la concurrence. Plutôt que de s’efforcer de donner le meilleur service possible à leurs clients, elles préfèrent mettre des bâtons dans les roues des concurrents. Ce qui leur permets accessoirement de préserver leur rente et finalement d’éviter de satisfaire leurs clients.

Ces entreprises ne jouent pas le jeu de l’économie de marché. Au contraire elles essaient d’en casser les principes pour en tirer un avantage particulier. Le monopole est leur idéal.

Trois exemples récents illustrent cette stratégie.

Air France s’est toujours battu avec acharnement contre Ryanair. La compagnie low cost a eu le culot d’abaisser le prix du transport aérien tout en ayant des marges plus élevées que notre champion national.

Air France a donc utilisé sa relation incestueuse avec la DGAC, la Direction générale à l’aviation civile, qui accorde les « slots » permettant d’effectuer une liaison aérienne, pour barrer la route à son concurrent. Le patron actuel d’Air France, Monsieur Gourjeon, est en ancien de la DGAC…

Pas de Paris Marseille ou de Paris Nice pour Ryanair même si cela, pardon parce que cela, aurait divisé par deux le prix du billet. Ryanair a été réduite à la portion congrue (Liverpool/Brive, Londres/Marseille) et écarté des lignes les plus importantes.

Tout en écartant « administrativement » son rival des lignes les plus intéressantes, Air France a attaqué en justice les aéroports qui osaient subventionner indirectement Ryanair, indifférent à l’intérêt général qui poussait des collectivités territoriales a créer des emplois ou de l’activité locale.

Enfin, Air France a soutenu en sous-main les attaques de la sécurité sociale contre Ryanair, imposant les charges sociales françaises massives au personnel de bord Ryanair localisé à Marseille entre deux vols, malgré le fait qu’il ne soit pas de nationalité française et que son travail ne soit pas localisé en France mais dans le ciel européen.

Ce qui a conduit Ryanair à fermer son escale de Marseille…

Alstom a toujours considéré que la SNCF était son pré carré et que la compagnie nationale n’avait pas le droit d’acheter des trains rapides à ses concurrents, comme Siemens ou Bombardier, même si ceux-ci étaient moins coûteux ou plus performants.

Le caractère public de la SNCF, la volonté de son PDG de rester en place, les réseaux administratifs ou politiques, ont conduit à ce monopole de fait, contraire à l’intérêt de la SNCF ou de ses clients.

Les trains Alstom sont en principe techniquement corrects, mais le taux de panne et donc de retard semble élevé, et certains points qui sont des détails pour les ingénieurs d’Alstom pourrissent la vie des clients, comme les toilettes fonctionnant mal ou le bar lilliputien à file d’attente inacceptable.

Eurostar est une société dans laquelle la SNCF est majoritaire grâce au rachat d’actions d’autres partenaires, mais c’est une société indépendante, à l’actionnariat tripartite, Français, Belge, et Anglais. Et bien, Alstom s’est révolté contre le fait que cette société indépendante aie choisi Siemens pour de nouvelles rames…Le mépris de la concurrence loyale, le mépris de l’intérêt du client (Eurostar) et du client du client (vous et moi quand vous allez à Londres) est total.

Alstom, société privé française, a déclaré avec un culot surréaliste qu’Eurostar étant une société dans laquelle la SNCF, entreprise publique française, était majoritaire, elle n’avait pas le droit d’acheter du Siemens ! Et les pouvoirs publics français, par la voix du ministre des transports, Monsieur Bussereau, de surenchérir : Eurostar doit acheter Alstom. Mépris du droit, mépris du client, mépris de l’Europe. Haro sur la concurrence.

TF1, comme M6, s’est épanoui à l’abri du monopole que lui donnait la rareté des fréquences hertziennes. La TNT a légèrement rebattu les cartes mais TF1 a su, avec la complicité du CSA, mettre la main sur une série de fréquences et reconstituer dans le numérique sa position dominante…

Mais arrive Google TV. Oh horreur, Google TV permet au téléspectateur de choisir ce qu’il va regarder. Google TV c’est en effet essentiellement un moteur de recherche intelligent et efficace permettant au client final d’identifier le programme qui corresponds le mieux à son intérêt ou à son envie, non seulement parmi les programmes de télévision hertzienne ou câblée, mais aussi sur tout le web. Un choix très large facilité par des outils d’intelligence, un peu comme Amazon le fait pour choisir et acheter un disque ou un livre.

Cette concurrence affole TF1, qui après avoir fait pression sur Samsung pour qu’il abandonne Yahoo TV (un équivalent inférieur de Google TV), clame haut et fort qu’elle ne laissera pas l’ogre Google lui manger ses euros, M6 et France Télévision se joignant au chœur de pleureuses de l’anti concurrence.

Autant on peut comprendre que les chaines ne sont pas d’accord pour que Google incruste sa pub dans leurs programmes, autant essayer de tuer dans l’œuf un service aussi utile et aussi pertinent est un combat d’arrière garde contre l’intérêt des téléspectateurs. C’est comme si Orange avait tenté de bloquer les Aple Apps sous prétexte qu’il ne touchait pas de commission sur les Apps payantes.

Le moteur de recherche Google TV est un bienfait pour les téléspectateurs, et il est normal que Google commercialise, non de la pub dans les programmes, mais de la pub sur le moteur ou sur les résultats de la recherche, avant le programme !

Air France, Alstom, TF1, ou comment l’intérêt du client final est méprisé, comment le marché est piétiné, comment la concurrence est sabotée, pour permettre de préserver une rente injustifiée…

Se battre à la loyale contre ses concurrents, en proposant services ou produits exceptionnels à des prix acceptables, et capitaliser sur les ruptures favorables au clients donne plus de chance à une entreprise de décoller que le sabotage de la concurrence. Si Apple, Ryanair, ou Ikéa avaient eu la même approche, qu’Alstom, Air France, ou TF1, elles seraient restées des entreprises marginales et provinciales.

Mais jouer le jeu est plus difficile que tricher, et implique des efforts et un talent que tous les dirigeants ne sont pas prêts à mobiliser. Alain Weil, de BFM TV, a été l’un des seuls dirigeants de chaine de télévision à estimer que Google TV était une opportunité et non un monstre à tuer dans l’œuf.

jeudi 4 novembre 2010

Les français cocus mais contents

Le président Chinois, Hu Jintao, vainqueur et content.

La visite du président Chinois en France fait l'objet d'un battage médiatique bruyant, à la gloire du gouvernement français et des contrats majeurs qui seront signés.

Pourtant, la France est une des grandes perdantes de la stratégie Chinoise de dumping monétaire et de fermeture aux importations. Le Yuan est sous évalué de plus de 50% et le déficit commercial français avec la Chine est abyssal, passant de 5 milliards en 1999 à 22 milliards d’euros en 2009.

Le pire n’est bien sûr pas ce déficit commercial, mais le désastre industriel qu’il provoque : des pans entiers de notre industrie ont disparu ou sont en train de disparaître, comme le textile, le jouet, l’électronique, les équipement télécoms ou le meuble et d’autres sont menacés à terme, comme l’automobile, le matériel ferroviaire, l’aéronautique ou même le nucléaire.

Comme la Chine nous achète infiniment moins qu’elle ne nous vend, le résultat est une destruction d’emploi nette pour la France et une création d’emploi nette pour la Chine. L’évaporation industrielle non compensée est à une des causes majeures de la stagnation et du chômage structurel que connaît la France aujourd’hui.

Par ailleurs, la Chine, grâce à ses réserves de plusieurs milliers de milliards de dollars, peut à la fois faire monter l’euro, détériorant encore notre compétitivité, et acheter des fleurons de l’industrie française, comme elle a acheté déjà Volvo ou un morceau de la Grèce.

Mais quand Monsieur Hu Jintao, le remarquablement intelligent président Chinois, vient en France, nul n’ose évoquer ces sujets d’une gravité majeure mais qui pourraient le fâcher. La Chine a compris que le monde est à la fois un champ de bataille économique et un grand théâtre. Quand leurs intérêts sont attaqués même de façon justifiée, les Chinois sortent le grand jeu de la fâcherie. Et ils utilisent toutes les armes en leur possession pour menacer leurs contradicteurs ou toutes les carottes pour les faire marcher au pas sagement.

Le président Chinois a ainsi très bien compris quels hochets il fallait agiter devant les français pour les embobiner : des promesses de contrats. Des signatures en grande pompe, des communiqués triomphalistes, turlututu chapeau pointu.

Le gouvernement français est devenu un représentant de commerce à courte vue, qui se glorifie de quelques contrats dans le nucléaire, l’aéronautique ou l’équipement, en oubliant le mentionner le transfert de technologie qui va avec et qui fera à terme de la Chine un concurrent redoutable dans ces secteurs, et en oubliant bien sûr d’évoquer le chômage ou la stagnation Française provoqués par la sous-évaluation systématique du Yuan depuis dix ans et par les freins multiples aux importations créés par la Chine.

La Chine nous comprends et manœuvre avec une habileté remarquable pour promouvoir ses intérêts au détriment des nôtres.

Nous, nous sommes cocus, mais contents.

lundi 25 octobre 2010

Guerre des monnaies : halte à la triche



Les gouvernements occidentaux ont tenté désespérément de surmonter la récession de 2009 en utilisant simultanément l’arme du déficit (Keynes) et celle de la création monétaire (Friedman). Les déficits ont été stupéfiants, montant jusqu’à 8/10% du PNB en Grèce, en Espagne, en Angleterre et en France. La création monétaire a roulé à tombeau ouvert, les banques centrales prêtant de façon quasi illimitée à des taux voisins de zéro.

Cet effort monumental a peut-être évité la récession, mais en 2010 la croissance reste en panne. Avec une conséquence dramatique : l’endettement colossal résultant des déficits ne pouvant se résorber par la croissance, il ne peut l’être que par la réduction des dépenses publiques et la hausse des impôts. Cette rigueur, en étouffant une croissance déjà molle, pourrait déclencher un cercle vicieux dramatique.

La solution trouvée par l'Angleterre de Cameron consiste à coupler rigueur budgétaire et laxisme monétaire, en espérant que le second compensera le premier. Mais le Japon a pendant dix ans combiné l'un et l'autre sans faire repartir la croissance. Alors l'un sans l'autre...

L’erreur des états est d’oublier, dans leurs frénétiques mouvements de noyés, deux nouveautés qui bloquent la croissance occidentale : la globalisation de l’économie mondiale et la stratégie des multinationales.

La mondialisation, permise par un libre-échange exacerbé et la baisse des coûts de transport et d’information, mets en concurrence tous les pays du monde pour la production de biens ou de services. Elle a été instrumentalisée par certains pays comme la Chine pour se doter d’un avantage absolu et d’excédents commerciaux structurels. Depuis dix ans, pour 1 € vendu à la Chine, nous lui achetons 3 €. La Chine a ainsi aspiré notre industrie et nos devises sans rien donner en échange. La croissance Chinoise cannibalise d’autant plus la nôtre qu’elle a pour effet secondaire de faire grimper au ciel le prix des matières premières, facteur aggravant de stagnation. Autant un déficit ou un excédent temporaires sont acceptables, autant l'excédent massif Chinois depuis plus de dix ans est un facteur de déstabilisation de l'économie mondiale.

Les multinationales comme Nike, Apple ou IBM ou les grands distributeurs comme Carrefour ou Wal Mart ont accéléré et structuré la mondialisation en délocalisant massivement leur production ou leurs achats, écrasant leurs coûts et gonflant leurs marges grâce à la sous évaluation des monnaies et au moins disant social systématique de leurs fournisseurs. Apple est un cas d'école avec les centaines de milliers d'ouvriers chinois qui travaillent...a faire grimper au ciel ses profits.

Résultat : quand nous injectons des revenus ou des liquidités en Europe ou aux Etats-Unis, nous créons de la croissance et des emplois…en Asie, et spécialement en Chine. Keynes et Friedman ont toujours raison, mais au niveau mondial. Les déficits budgétaires et le laxisme monétaire des uns créent des emplois chez les autres….L’occident est devenu le dindon de la mondialisation.

A la croissance énergiques des pays « émergés » réponds ainsi notre stagnation, tristement semblable à celle du Japon, qui a connu dix ans de non-croissance, malgré des taux zéro, des déficits déments et un endettement record.

Si le seul levier qu'utilisent les états occidentaux pour sortir de la nasse est le laxisme monétaire, on peut prévoir de longues années de croissance nulle ou faible, de chômage persistant, de déclin du pouvoir d'achat, de longues années de malheur économique. L'optimisme arrogant de Ben Bernanke, président de la réserve fédérale américaine, convaincu qu'il vaincra la stagnation américaine à coup d'intérêt zéro et de création monétaire est démenti par la multiplication des saisies immobilières ou les destructions d'emplois que ses outils monétaires sont impuissants à enrayer.

Pour redonner de la traction aux politiques budgétaires et monétaires, une forte baisse de l’euro (1€=1$ ?) serait nécessaire. Mais sous les coup de boutoirs des Etats-Unis, cherchant désespérément à faire baisser le dollar pour rendre leurs exportations compétitives, accompagnés dans la dévaluation par la Chine qui verrouille le yuan au dollar, c'est l'inverse qui se produit. L'euro est à 1.40 dollars en Octobre 2010.

La situation est d'autant plus dramatique que même un euro à un dollar ne serait pas suffisant pour relancer les économies européennes à court terme, à cause des rigidités structurelles créées par vingt ans de mondialisation. Un euro durablement à parité avec le dollar, et un yuan déprécié de 50% par rapport au même dollar ne permettraient à la croissance européenne de repartir fortement que dans quelques années.

A la fois pour retrouver de la croissance à court terme et pour se placer en position de force par rapport aux pays comme la Chine qui pratiquent un dumping de leur monnaie, une seule solution : un protectionnisme intelligent mais ferme.Réduire les exportations excessives de ces pays excédentaires permettrait sans les mettre à genou de revenir à une situation normale : celle de l’équilibre des balances commerciales.

Les entreprises délocalisatrices râleront devant la baisse de leurs rentes, mais ces aboiements sont un faible prix à payer pour sortir d’une crise sans fin en supprimant le côté obscur de la mondialisation : le dumping sur la valeur des devises. Le protectionnisme ne conduira pas à l'inflation car la délocalisation sers plus à augmenter les marges qu'à diminuer les prix. Et même si le prix des jouets en plastique augmentait,est ce un drame si cela conduit à acheter des jouets en bois produits en Europe?

Les autres aboyeurs de service seront les intégristes de l'anti-protectionnisme. Ceux-là répètent comme une mantra, sans réflexion mais par réflexe : le protectionnisme c'est le mal, le libre échange c'est le bien. Et pourtant Adam Smith, le théoricien du libre-échange, se serait indigné devant l'excédent permanent et massif Chinois, lui qui pensait que les balances commerciales devaient être équilibrées, chaque pays se spécialisanten fonction de ses avantages comparatifs. La sous évaluation systématique du Yuan lui serait apparu comme un obstacle au libre échange, qui est menacé aussi bien par le protectionnisme que par le dumping.

Monsieur Pascal Lamy, qui dirige l'OMC fait preuve d'une curieuse partialité quand il proteste bruyamment au moindre soupçon de droit de douane ou de quota occidental , sans dire un mot sur les stratégies de sous-évaluation des devises qui créent des distorsions infiniment plus graves dans la compétition entre économies ou sur les obstacles massifs à l'importation qu'ont mis en place les pays comme la Chine.

Monsieur Trichet, passif devant la guerre des monnaies, et qui ne fait rien pour freiner la hausse de l'euro, clame que la tentation protectionniste est un danger mortel. Ce deux poids deux mesure est très étrange et laisse planer un doute sur la vision et l'analyse de ces sommités.

Le protectionnisme n'est pas un mal en soi s'il permets de rétablir un équilibre perturbé par le dumping décennal de la Chine, s'il permets sans créer d'inflation d'éviter la disparition programmée des derniers pans de l'industrie occidentale, comme l'automobile ou l'aéronautique, et s'il permets même de regagner légitimement du terrain dans des industries à l'agonie à cause de la concurrence Chinoise, comme le textile, le jouet, ou l'éclectronique grand public. Car même dans les industries capitalistiques, automatisées, la sous évaluation d'une devise donne un avantage indû au pays la pratiquant. Si une monnaie est sous-évalueé de 50% comme l'est la monnaie Chinoise, c'est non seulement le travail mais aussi le capital, toute la valeur ajoutée nationale, qui bénéficie d'un avantage de coût de 50% sur ses concurrents malchanceux...

Pour éviter la désindustrialisation complète de l'Europe, pour que la France ne devienne pas un pays de rillettes, de monuments et de tourisme sexuel, comme le prédit Houellebecq, il existe pourtant une solution : un protectionnisme au laser, dirigé directement vers les pays sous-évaluant leurs monnaies, un protectionnisme assez massif pour compenser la dite sous-évaluation, et un protectionnisme pan-eurpéen,barrant la route de l'Europe aux concurrents "tricheurs" mais conservant un total libre échange intra européen.

Mais pour cela les intégristes du libre-échange devront accepter de réfléchir. Le protectionnisme ce n'est pas tricher. C'est au contraire empêcher la triche.

lundi 18 octobre 2010

Aveuglement agricole

Monsieur Bruno Lemaire, ministre des agriculteurs, emboitant le pas de son président, Nicolas Sarkozy, a déclaré à la fin de l'été 2010 : l'agriculture ne doit pas suivre strictement les règles environnementales car elles sont au fond trop contraignantes.

Il remets notamment en cause la division par deux de l'emploi des pesticides à moyen terme, prévue dans le Grenelle de l’environnement.

Monsieur Lemaire est un haut fonctionnaire de talent, mais la gestion d’entreprise ne semble pas faire partie des facettes de son expérience et de sa compétence.

Or une exploitation agricole est une entreprise, avec des recettes et des coûts, ou plus techniquement des extrants et des intrants. Parmi ces couts, ceux des semences, du matériel, de l'essence, des engrais et des produits phytosanitaires. La consommation d'engrais, d'aliments pour bétail et de pesticides ayant fortement augmenté depuis une vingtaine d'années, les comptes d'exploitation des agriculteurs ont été plombés. Par ailleurs une absurde course à la puissance a conduit à l'achat de tracteurs de plus en plus gros, voraces en énergie

L'enjeu pour les agriculteurs, dont les revenus nets sont en baisse, est à la fois de maintenir leurs prix de ventes mutilés par les distributeurs et la concurrence étrangère, et de diminuer leurs coûts.

Une des méthodes les plus efficaces pour diminuer les coûts est d'aller vers une agriculture plus raisonnée, employant moins de pesticides et d'engrais, et moins de compléments alimentaires coûteux. Ce qui permet par ailleurs en même temps d'aller vers la qualité, c'est à dire vers des produits moins truffés de pesticides ou d’hormones. Les progrès technologiques récent, notamment dans les logiciels et la géolocalisation, permettent de le faire sans diminution innaceptable des rendements.

Il peut y avoir convergence entre l’intérêt des agriculteurs et ceux de l’environnement. Par exemple le labourage de surface, permet d’utiliser des tracteurs moins voraces que les engins classiques tout en donnant de très bon rendements et en limitant les risques d’érosion du sol. De même la baisse de l’emploi de pesticides est à la fois bon pour l’environnement et pour les comptes des agriculteurs. Cette baisse réduit également le risque pour la santé des agriculteurs, de plus en plus menacée par l’emploi excessif de ces produits.

Les grandes entreprises industrielles de la chimie peuvent s'adapter à cette nouvelle donne, en développant des produits plus efficaces, non polluant et sans risque sanitaire. Elle doivent cesser de pousser à une surconsommation coûteuse et polluante. Cela ne veut pas dire aller vers les OGM: celles-ci qui devaient diminuer l'utilisation de produits nuisibles, bloquent au contraire les agriculteurs dans un type unique de pesticides dont le prix augmente et l'efficacité diminue, comme le roundup utilisé en couple avec les OGM "Roundup Ready".

Ces grandes entreprises industrielles sont des lobbies puissants aux poches profondes, qui peuvent mobiliser experts, contacts, media. La FNSEA, qui représente prioritairement les grands céréaliers, et qui dispose d’un étrange monopole de la représentation paysanne, est directement influencée par ces lobbies dont elle sert les intérêts. C'est la voix de ces groupes de pression qu'a semble t'il entendu le ministre de l'Agriculture.

Les grands semenciers ont par exemple réussi à interdire aux agriculteurs d’utiliser des semences non référencées au "Catalogue" (leur catalogue, en fait), même si ces semences sont millénaires et correspondent à des variétés d’un fort intérêt d’un point de vue diversité et gustatif.

Le vrai problème de l'agriculture française est d'être coincée entre certains grands industriels de l'amont, au pouvoir d’influence important , et les grands distributeurs de l'aval qui abusent de leur position dominante pour bloquer les prix et acheter a l'étranger au moindre différentiel de prix. C'est à cela que devrait peut-être s'attaquer Monsieur Lemaire, plutôt qu'au Grenelle de l'environnement.

Faute de connaissance réelle de ce qu’est une exploitation agricole, Bruno Lemaire ne se bat pas pour les tous les agriculteurs, mais pour un minorité d'entre eux, et pour certains grands industriels. L’INRA, un des centres de recherche sur l’agriculture les plus performants au monde, est d’ailleurs…en désaccord avec son ministre sur cette question de la réduction des pesticides.

Quant on évoque le nom de Bruno Lemaire comme premier ministre, on peut s'interroger : va t'il reproduire au niveau national le manque de discernement dont il semble faire preuve par rapport au monde agricole? Et reproduire au détriment des PME de l'industrie et des services une politique au fond défavorable aux exploitations agricoles petites et moyennes?

mardi 4 mai 2010

Il faut que la Grèce fasse défaut


Il faut que la Grèce fasse défaut

Avec une touchante unanimité, tous les commentateurs et les politiques de la zone euro estiment qu’il est vital de ne pas laisser la Grèce faire faillite. Ils répètent à l'infini deux arguments :

-le « défaut » de la Grèce, reconnaissant qu’elle ne peut plus rembourser ses dettes, aurait un effet domino sur d’autres pays de la zone euro, comme le Portugal voire l’Espagne, l’Angleterre ou l’Italie, précipitant ainsi une « crise systémique »…

-le défaut de la Grèce la ferait sortir de la zone euro, mettant en cause celle-ci et précipitant une chute de l’euro.

L’Allemagne est vertement critiquée, elle qui a pour de basses raisons de politique intérieure, a été trop exigeante avant d'accepter de « sauver la Grèce ».

Mais si la faillite de la Grèce était une bonne chose pour le Grèce et même pour l'Europe….Et si l’Allemagne avait été non trop dure, mais trop molle…

La Grèce ne peut plus faire face aux remboursements d’une dette exorbitante. La faillite d’un état, comme celui d’une entreprise, ne fait que constater l’impossibilité de rembourser des emprunts en gelant ceux-ci et en forçant les créanciers à accepter une perte sur les prêts réalisés. Contrairement à la connotation catastrophique du mot « faillite », la cessation de paiement n’est pas un drame. C’est une solution à une situation devenue insupportable.

Les banques qui depuis deux ans empruntent à 0% et prêtent à 4% à des états souverains perdraient une partie des cent milliards d’euros prêtés à la Grèce. Mais elles ont fait preuve d’irresponsabilité en prêtant à un pays qui allait d’évidence dans le mur. N’est-il pas normal qu’elles soient pénalisées pour leur imprudence sachant qu’elles ont par ailleurs gagné des dizaines de milliards d’euros en prêtant aux états .

Ce sont d’ailleurs les banques qui soutiennent en sous-main le plus vigoureusement le plan d’aide à la Grèce, grâce à leur accès aux pouvoir politiques, aux ministères des finances et aux media, non car ce plan est conforme à l’intérêt général, mais tout simplement parce qu’il leur permets d’échapper à la sanction de leur imprudence. Pile je gagne, face tu perds, telle est la devise des banques modernes. Elles ont tout intérêt à faire du catastrophisme en prédisant que le défaut de la Grèce serait la fin du monde, pour éviter des pertes à court terme.

Avant d'analyser les solutions, comprenons pourquoi la Grèce est en cessation de paiement.

Ses responsables politiques, qui faisait déjà joyeusement du déficit avant la crise de 2008, ont continué à dépenser massivement pendant la crise, alors que leurs recettes fiscales s’effondraient.

Ces déficits récents et considérables ont été justifiés par une vision Keynésienne primaire : pour stopper la crise il faut du déficit ! Allons-y, dépensons, soyons laxistes, c’est bon pour nos économies embourbées dans la récession.

Mais les gouvernements Grecs, comme ceux de tous les pays européens, n’ont pas compris que la relance par les déficits est une illusion à l’heure de la mondialisation. Les déficits budgétaires européens relancent surtout…la croissance Chinoise. La Chine est devenu le principal exportateur mondial grâce à la sous-évaluation du Yuan et à l’efficacité d’un système de délocalisation structurelle, et mettre de l’argent dans les poches des consommateurs européens relance surtout la machine industrielle chinoise.

Les états ont évités d’accentuer la crise de 2008 en ne commettant pas les erreurs de 1930 (équilibres budgétaires et dévaluation compétitive), mais ont cru à tort que leurs déficits massifs permettraient une relance suffisante pour… revenir à l’équilibre budgétaire. La stagnation des économies européennes et les déficits apocalyptiques de l’Angleterre, de l’Espagne ou de l’Italie démontrent l’énormité de l’erreur d’analyse commise par tous les états. Tous sont touchés, mais ceux qui étaient les plus fragiles avant la crise, comme la Grèce, sont les premiers à s’effondrer.

La crise Grecque n’est donc pas conjoncturelle mais structurelle. La Grèce est dans une impasse dont la seule issue logique est le défaut, le gel des dettes. A part écorner les profits de quelques banques imprudentes, quelles seraient les conséquences d’un défaut Grec ?

Positivement, la cessation de paiement Grecque ferait comprendre que l’irresponsabilité des états, pas plus que celui des banques, ne peut être impunie. Cela permettrait plus de rigueur future, non sous le couperet de la menace de faillite, mais en avance de phase.

La cigale grecque a besoin de rigueur. Mais sans défaut de la Grèce, tout le poids de cette rigueur va peser sur les salariés ou les retraités Grecs, qui vont devoir se serrer la ceinture non seulement pour réduire le déficit mais aussi pour rembourser les prêts de banques imprudentes et maintenant les aides d’états faussement confraternels…

La faillite aurait pour effet de répartir la douleur entre les prêteurs et les Grecs, en allégeant pour ces derniers le poids d’une austérité socialement explosive. Quant une personne, une entreprise ou un état est surendetté, la faillite n’est pas une punition. C’est une solution pour alléger le poids devenu intolérable de la dette.

La faillite Grecque ferait sortir la Grèce de l’Euro. Et alors ? En quoi la sortie de la Grèce de l’Euro serait t’elle une catastrophe. Un des principaux pays de l’Union Européenne, qui s’appelle l’Angleterre, n’est pas dans l’Eurozone et pourtant l’Euro est fort.

En fait, l’extension de la zone euro a été probablement trop rapide et s’est faite avec des pays trop fragile pour supporter la discipline monétaire qu’implique l’Euro, qui supprime notamment la possibilité de dévaluer sa monnaie pour retrouver une compétitivité perdue et des équilibres compromis.

La sortie de la Grèce de l’Euro ferait initialement baisser l’Euro. Mais pourquoi considérer la baisse de l’Euro comme un mal, alors que notre principal concurrent, la Chine, s’acharne avec succès a maintenir au cours le plus bas possible sa monnaie, le Yuan ! La baisse de l’Euro serait bénéfique pour les exportations et donc pour la croissance et l'emploi européens. Elle ne pénaliserait que les banques ou les entreprises endettées en dollars et que les importateurs ou les distributeurs, mais ceux-ci engrangent des profits indus depuis des années grâce à la sous-évaluation du dollar ou du yuan, ce ne serait donc qu’un juste retour des choses.

A terme, la sortie de la Grèce renforcerait l’Euro, comme d’ailleurs la sortie éventuelle des autres pays les plus faibles, comme le Portugal. Une zone euro limitée à la France, l’Allemagne, le Benelux, l’Italie et l’Espagne serait plus solide que la zone euro actuelle, fragilisée par des pays marginaux. Le Danemark est dans l’Union européenne et pas dans la zone euro sans que ce soit la fin du monde…

Le « défaut » de la Grèce et son départ de la zone euro auraient des conséquences très supportables, mais surtout faciliteraient son redressement et permettrait son retour éventuel dans la zone euro une fois son économie et ses finances publiques assainies. C’est ce que l’Angleterre essaie d'ailleurs de faire en laissant filer la Livre pour se refaire une santé en boostant ses exportations.

Pourquoi masquer la vérité, abandonner une solution naturelle, et laisser les banques échapper à une sanction en aidant la Grèce à se maintenir dans l’euro et à éviter le défaut ? Les pertes des banques seraient tout à fait supportables et ne feraient que réduire leurs profits redevenus anormalement élevés. Et si demain le Portugal suivait le chemin Grec, la zone euro en sortirait renforcée, les banques survivraient, et le redressement des pays concernés en serait facilité.

La théorie des dominos a été utilisée par les américains pour justifier la guerre du Vietnam et par Goldman Sachs pour déclencher le soutien à AIG. Mais il est des cas ou il est préférable de crever l’abcès plutôt que de laisser le pus s’accumuler.

Si Monsieur Papandréou était lucide et courageux, s’il mettait en avant l’intérêt des Grecs au lieu d’une fierté mal placée à ne pas faire « faillite », ou d’une connivence curieuse avec les banques et leurs alliés les ministères des finances des grands pays, il refuserait le plan de soutien, déclarerait le gel des dettes Grecques et sortirait de la zone Euro. Pour le bien des Grecs, de la Grèce, et de l’Europe.

lundi 26 avril 2010

le salaire de la peur

Le salaire de la peur

Les économies développées ont un boulet au pied : les dépenses liées à la peur, qui tuent la croissance plus sûrement que les bulles financières.

Le 11 Septembre a créé une peur intense du terrorisme qui s’est traduit par une augmentation formidable des dépenses liées à la sécurité-et du temps perdu dans les aéroports. Mais c’est aussi à cause du terrorisme que les Etats-Unis ont envahi l’Irak ou que l’Occident est intervenu en Afghanistan. C’est par peur du terrorisme qu’Israël a construit pour quelques milliards son mur coupant en deux une terre éternelle. Les terroristes ont réussi à nous affaiblir au-delà de toute espérance non par leurs actes mais par les dépenses en centaines de milliards qu’ils ont réussi à nous imposer. Et par les souffrances énormes que les états tétanisés par la peur ou instrumentalisant la peur ont infligé à des populations innocentes, fabriquant de nouveaux terroristes en une spirale infernale.

Le terrorisme tue infiniment moins que la route, l’alcool, le cancer, l’obésité, la guerre. Les morts du terrorisme se comptent en milliers par an, ceux des autres maux de l’humanité en dizaines de millions. On investit probablement un million fois plus pour éviter un mort par le terrorisme que pour un mort d’une autre cause. Et pourtant, un mort est un mort. Mais c’est la peur qui nous guide, activée par l’intérêt bien compris de quelques entreprises, comme Halliburton, la société de Dick Cheyney, faucon de la guerre en Irak qui a rapporté à son entreprise quelques milliards de dollars. Il y a plus de mercenaires grassement payés que de soldats réguliers en Irak.

Nos sociétés ont aussi une peur bleue du délinquant. En France, chaque fait divers a donné lieu à une loi sécuritaire qui a considérablement augmenté le nombre de gardés à vue et de prisonniers. Aux Etats-Unis, la peur du noir et du pauvre se traduit par l’emprisonnement de près de 1% de la population. A 50 000€ par prisonnier et par an, c’est environ 100Milliards de dollars qui sont dépensés…pour fabriquer des délinquants. Car la prison est une fabrique de délinquants : les petits délinquants sont transformés en grands délinquants par le climat social de la prison et l’absence de politique de réinsertion. La peur conduit aussi à la multiplication des forces de police, par exemple en France avec cette innovation assez récente : la police municipale, qui coûte les yeux de la tête aux communes pour quelques cowboys ou quelques retraités ne faisant pas bouger d’un iota la sécurité dans les villes. L’insécurité est une réalité dans certaines banlieues mais la réponse répressive aveugle coûte très cher et ne la diminue pas, au contraire.

La encore seules quelques entreprises, fournissant des armes ou des services (comme la guerre, la gestion des prisons sera de plus en plus confiée au privé) bénéficient de ce climat de peur.

La peur du terrorisme et de la délinquance coûtent des centaines de milliards en dépenses improductives. Et elles ont des effets pervers indirects considérables. Perte de temps, exacerbation des tensions sociales, haine de l’état, sentiment d’injustice. Guantanamo a porté un coup fatal à l’image d’intégrité de la démocratie américaine. Les centaines de milliers de garde à vue en France ont un effet nul sur la délinquance et conduisent à une hostilité inutile envers la police parce qu’une minorité de policiers traitent le citoyen comme un sous-homme.

Après la peur du terrorisme et de la délinquance, la peur de la l’épidémie. Comme si nous étions encore tétanisés par le souvenir de la peste noire du XIV ° siècle. La panique de la ministre de la santé française faisant fabriquer des dizaines de millions de vaccins et organisant des séances de vaccination dans les gymnases illustre la folie et le gaspillage auxquels peuvent conduire la peur. La ministre a des excuses : l’Organisation Mondiale de la Santé, semble t’il instrumentalisée par des entreprises pharmaceutiques, a tiré avec brutalité le signal de la peur, au nom d’un principe de précaution camouflant mal des intérêts économiques moins reluisants.

La politique de la santé est elle-même façonnée par la peur de la mort qui conduit à l’acharnement thérapeutique inhumain ou à l’exploit de maintenir en vie des prématurés de plus en plus embryonnaires qui seront de futurs handicapés. La peur de la maladie provoque une surconsommation massive de médicaments dont certains sont de purs placebos, ou ont des effets secondaires bien pire que les effets primaires qu’ils prétendent guérir.

Nos sociétés sont devenues peureuses, les media renforcent et capitalisent sur la peur, le tout pour un coût économique et social formidable dont ne bénéficient qu’une poignée d’entreprises opportunistes ou manipulatrices, les capitalistes de la peur. Paradoxalement, les vrais dangers dont nous devrions avoir peur, comme la guerre, la dégradation de l’environnement, les désastres nutritionnels, sont balayés sous le tapis par les groupes de pressions qui souffriraient de la lutte contre ces vrais fléaux. Les groupes agroalimentaires traitent avec désinvolture les sucres, les graisses, les additifs ou les pesticides. Les grands groupes énergétiques ou industriels se battent contre les écologistes qui risqueraient de leur faire perdre quelques points de marge pour sauver la planète. Les industriels de l’armement produisent et vendent massivement les armes qui tuent tout aussi massivement des civils, des bombes à fragmentation aux mines antipersonnel…

Nous marchons sur la tête. Nous escamotons les peurs légitimes et nous montons en épingle de fausses peur, par combinaison de cupidité et de lâcheté. Le salaire de la peur est colossal mais nul n’a le courage de le remettre en cause.

Nos économies vont peut-être finir par mourir de peur.

vendredi 5 février 2010

Les Vautours sont de retour (2)



Blanc bonnet et bonnet blanc



Nicolas Sarkozy a récemment, vilipendé la finance anglo-saxonne. Il avait raison.

Il lui a opposé un prétendu modèle financier européen. Il avait tort.

La stratégie et les modèles des banques sont les même des deux côtés de l’Atlantique.

La finance Anglo-Saxonne est devenue un organisme parasitaire du corps économique. Les bonus gigantesques et « ignobles » (d’après Barack Obama) ne sont qu’un symptôme d’un mal beaucoup plus profond. C’est le morceau que prélève le management sur une rente colossale et illégitime :

- Dans ses métiers traditionnels, qui consistent à gérer l’épargne et prêter à bon escient, la finance Anglo-Saxonne a adopté une stratégie de rapace. Son objectif est d’extraire une rente maximum des ménages, des collectivités et des entreprises, sans délivrer en contrepartie de réelle valeur. Quelques exemples : pour la simple gestion des comptes bancaires, une série de chausses trappes et de facturations abusives ont permis de multiplier par deux les frais de gestion en quelques années ; les sociétés de carte de crédit et de prêts à la consommation grâce au jeu d’intérêts exorbitants et de pénalités abusives, parviennent à extorquer l’équivalents d’intérêts de 40 % ou plus à leurs clients ; les prêts aux collectivités territoriale sont été réalisés des conditions exorbitantes camouflées sous forme de lignes illisibles dans des contrats interminables.

Les banques et les organismes financiers Anglo-Saxons pratiquent systématiquement la stratégie de la sur promesse, qui consiste à enfler les avantages et à camoufler les risques ou les coûts d’une opération financière, et la stratégie de la prédation, qui consiste à abuser d’une position de force pour maximiser sa rente, par exemple par des empilements de commissions discrètes. La finance Anglo-Saxonne cible d’ailleurs les clients les plus vulnérables, les plus faciles à berner avec des produits complexes, comme les pauvres ou les collectivités publiques, premières victimes de la crise des subprimes et des produits dérivés « exotiques ».

- La finance Anglo-Saxonne s’est développée dans de nouveaux métiers dont la caractéristique est d’être très rémunérateurs sans créer de valeur, voire en détruisant de la valeur pour la collectivité. Par exemple le trading, mélange d’arbitrage et de spéculation, qui permets des profits considérables tout en fragilisant le système financier. Les produits dérivés ou exotiques, comme les Credit Default Swap (CDS), qui permettent d’encaisser des commissions importantes tout en déresponsabilisant les prêteurs. La titrisation, qui permet de refiler le risque à d’autres tout en gardant les profits. L’industrialisation du délit d’initiés par les banques qui sont à la fois gérant de portefeuille et analystes financiers.

Les deux caractéristiques de ces nouveaux métiers sont l’empilement de commissions dues quelle que soit la performance, les gains considérables sans création de valeur et l’absence de sanction financière directe en cas de contre performance : pile je gagne, face tu perds.

- la finance Anglo-Saxonne prends des risques considérables à court terme, engrange des profits tout aussi considérable, et quand l’heure du jugement sonne et que surviennent des pertes abyssales, résultat direct de sa prise de risque inconsidéré et contrepartie naturelle des profits absurdes qu’elle a encaissé, se tourne en mendiant ou en imprécateur vers l’état, c'est-à-dire vers les contribuables, pour lui demander de boucher les trous qu’elle a creusé, en invoquant la nécessité d’éviter un risque systémique…qu’elle a créé. Privatisation des profits, socialisation des pertes. C’est ainsi que Goldman Sachs a réussi à convaincre l’état américain de renflouer à hauteur de 120 Milliards de dollars l’assureur AIG, roi des produits dérivés et de la titrisation, pour lui éviter la faillite et surtout …éviter à Goldman Sachs de perdre plusieurs dizaines de milliards de dollars… Dans ces grandes opérations de renflouement, personne ne demande jamais, bien sûr, aux institutions financières de rembourser les profits indus du passé. Il ne faut pas désespérer Wall Street.

Résultat : la finance est devenue un gigantesque parasite des économies Anglo-Saxonnes, captant une rente considérable au détriment du reste de l’économie que loin de consolider, elle affaiblit dramatiquement. Le management s’approprie une partie de cette rente : les bonus 2009 reçus pas les dirigeants et les cadres des banques américaines devraient approcher les 150 milliards de dollars ! Parallèlement, un chômage destructeur, lié aux erreurs des mêmes banques, s’installe dans tous les pays développés. L’autorité publique de transport de Detroit a du licencier une centaine de conducteur de bus pour payer les pénalités exorbitantes d’emprunts exotiques contractés auprès d’UBS ou de Goldman Sachs, pénalités qui ont permis de donner plusieurs millions de dollars de bonus à quelques dirigeants . Trois super bonus contre cent emplois détruits : quel deal !

En 2007 les profits de la finance américaine ont représentés 40% du total des profits de toutes les entreprises du pays, et 40% des diplômés de la Harvard Business School ont choisi la finance, alors qu’un pourcentage « normal » serait compris entre 5 et 10%...

Mais la finance française, contrairement à ce que penses Nicolas Sarkozy, a adopté avec délices le modèle anglo-saxon. Les bonus sont moins obscènes mais le mal est aussi profond.

- les banques françaises, par exemple à travers leurs filiales de crédit à la consommation, se comportent comme des prédateurs à l’anglo-saxonne. L’alourdissement des frais bancaires et la transformation des employés de banque en machines à maximiser les prélèvements aux clients est une triste réalité. Dexia et Natixis, comme Goldman Sachs et UBS, ont fait des prêts toxiques à des collectivités territoriales françaises, plombant les comptes de villes ou de conseils généraux…Les banques françaises pratiquent ainsi allégrement la sur promesse et le captage de rente, même si elles montrent parfois plus de retenues que leurs consœurs anglo-saxonnes. Le client est devenu une sorte de vache à lait qu’il faut traire au maximum….et jeter s’il n’est pas assez rentable. Le bon client n’est pas celui qui gère prudemment son compte, sans découverts ni incidents, mais celui qui accumule les pénalités, emprunte de façon déraisonnable, et souscrit aveuglément à tous les produits proposés par sa banque (quand ces produits ne lui sont pas vendus de force…).

- les activités exotiques, trading, produits dérivés etc. représentent depuis quelques années et vont représenter en 2009 une part très importantes des profits redevenus considérables des banques…L’affaire Kerviel est encore d’actualité. Et le sauvetage d’AIG par l’Etat Américain a évité des pertes de plusieurs dizaines de milliard d’euros aux grandes banques françaises, empêtrées dans des CDS ou autres produits titrisés.

Une partie de ces produits dérivés est bien sûr utile à l’industrie ou aux investisseurs, en leur permettant de s’assurer contre certains risques (de change, de hausse de taux, d’inflation etc.). Mais les produits dérivés « utiles « sont très probablement minoritaires par rapport à ceux qui ne servent qu’à encaisser des commissions ou bénéficier d’arbitrages techniques.

- les banques françaises ont sollicité avec insistance, comme leurs consœurs Anglo-Saxonnes, l’aide de l’état, pour les sortir d’une situation ou leur imprudence et leur avidité les avaient conduites.Comme leurs consœurs Anglo-Saxonnes, la majorité des banques françaises semblent essentiellement motivées par l’appât du gain à court terme, par l’extraction d’une rente maximum des entreprises ou des particuliers. Elles empilent comme elles les commissions, elles prennent comme elle des risques indus, leurs profits et les rémunérations sont, comme outre atlantique, exorbitantes par rapport à leur utilité économique et sociale…Sans aller aussi loin dans l’excès, et étant parfois plus rigoureuses, comme BNP Paribas, elles suivent cependant le même modèle. Ainsi, des fournées de Centraliens, de Normaliens ou de Polytechniciens s’engouffrent dans le trading par seul appâts du gain immédiat au lieu de rallier l’industrie : ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour la France…

Il faut donc balayer devant notre porte.

Or pour l’instant ton gouvernement français semble plus enclin, par aveuglement ou par réseautage, à ne rien faire. Quand un député propose un impôt supplémentaire de 10% des profits des banques, Madame Lagarde vole à leur rescousse. Quand on propose de limiter certains salaires absurdes, la vielle antienne « nous allons perdre les meilleurs » est chantée en chœur. Le gouvernement enterre la class action à la française, seule capable de constituer un contrepouvoir au pouvoir des particuliers par rapport aux banques. Une loi sur la faillite personnelle à l’Alsacienne ou à l’Américaine, seule capable de forcer les banques à la prudence et à éviter l’extorsion, est enterrée sous la pression amicale des banques. Quand l’assemblée a évoqué l’interdiction de la publicité pour les crédits revolving, le gouvernement monte au créneau pour la maintenir.

Après avoir plié l’échine sous les remontrances, et avoir calmé la colère présidentielle par des promesses et ou des déclarations d’intention, les banques ont repris le « business as usual ». Et leur voix porte plus dans les couloirs des ministères, de l’assemblée, du Sénat, ou même de l’Elysée, que celle de l’intérêt général.

Même les Anglo-Saxons ont parfois montré plus de fermeté que la France : Royal Bank of Scotland a été nationalisée à 70% et l’état anglais y bloque tous les bonus malgré les glapissements de la City. En France, la montagne des déclarations fracassantes du type « on va mater ces banquiers irresponsables » a accouché d’une souris de mesures médiatique de principe.

Oui il y a un besoin criant de réformer le système financier et bancaire. Et si on commençait en France, pour donner réellement l’exemple en montrant courage et détermination au service de l’intérêt de l’économie. La seule chose que les Chinois n’ont pas importé c’est d’ailleurs notre système financier. Je crois qu’ils ont compris qu’il était destructeur de valeur et de compétitivité. Ils préfèrent nous laisse nous engluer dans la finance pendant qu’ils deviennent les rois de l’industrie…

Les banques ne sont pas coupables. Légitimement, elles maximisent leur profit dans le cadre des règles qui leur sont données par l’état. Mais c’est justement à l’état, sans se laisser influencer par leurs sirènes biaisées, de fixer les règles qui permettront de faire converger leur comportement et l’intérêt général…