Le pouvoir d’achat de la majorité des français est en berne. L’absence de concurrence dans la distribution en est rendue responsable. Est-elle coupable ?
La grande distribution peut dégrader le pouvoir d’achat simplement en augmentant ses prix, et donc ses marges, plus vite que ses coûts d’achats. Depuis quelques années, la grande distribution n’a pas su résister à cette tentation. Comme beaucoup d’entreprises, de Microsoft à Easy Jet, les distributeurs sont passés par deux phases dans leur histoire. Dans un premier temps, fournir aux clients un rapport qualité/prix exceptionnel pour se développer, puis, une fois une taille importe atteinte, passer à l’exploitation d’une position dominante en augmentant les prix et à la séduction pour continuer à attirer les clients.
Au cours de la première phase, jusqu’à la fin des années 70, avec un large assortiment, le libre service, et les prix bas, le supermarché, puis l’hypermarché ont apporté un véritable bénéfice à leurs clients. Les grands distributeurs sont devenus les rois de la périphérie, dévastant les zones de magasins de centre ville, créant des furoncles urbains dans toutes la France, mais apportant un vrai plus : du pouvoir d’achat.
Puis ces distributeurs sont devenus rentiers. Qu’il s’agisse des géants monolithiques comme Carrefour ou des agrégats d’indépendants comme Leclerc, ils se sont aperçu qu’ils pouvaient utiliser leur position de domination, leur monopole sur leur zone de chalandise, pour "tordre le coût" à leurs fournisseurs et faire baisser leur prix d’achat sans répercuter ces baisses dans leurs prix de ventes, gonflant ainsi leurs marges. Ils ont également, fort d’un monopole de l’emploi, écrasés les salaires des employés, des manutentionnaires aux caissières. Mieux encore, ils ont constaté qu’ils pouvaient… augmenter les prix sans perdre de chiffre d’affaires. Ils ont même découvert que c’était la façon la plus simple de faire grimper les profits de l’entreprise ou du magasin indépendant. Un centre Leclerc peut rapporter un ou deux millions d’euros par an net à son propriétaire… Les prix ont alors augmenté. Pour coller à leur image de casseurs de prix, les grands distributeurs se sont lancés dans une politique de promotions tournantes, haussant les prix sur l’océan de la majorité des produits, et les baissant sur des petits îlots de produits phares, poussant le vice jusqu’à ne stocker que des quantités minimes de ces produits à prix cassés… A défaut de la réalité du prix bas, créons son illusion. Utilisant ainsi les deux leviers de la domination et de la séduction, les distributeurs ont réussi à se donner un pouvoir de prix qui vient effectivement raboter le pouvoir d’achat des français.
Le gouvernement veut enrayer ce phénomène d’asphyxie du pouvoir d’achat. Il propose deux mesures phares. D’abord autoriser les distributeurs à répercuter leurs « marges arrières », c'est-à-dire les ristournes consenties par les producteurs, dans les prix, une mesure réclamée notamment par M.E. Leclerc. Là, l’effet sera faible. Répercuter dans les prix, cela veut dire amputer ses marges. Or les distributeurs sont devenus des rentiers agressifs, des Père Goriot, voulant avant tout maximiser leurs marges. Circulez. Ensuite permettre l’ouverture sans autorisation préalable de surface allant jusqu’à 1000m2. Là, la loi aurait un impact. Elle faciliterait l’implantation des hards discounters, aujourd’hui freinée par une loi qui soumet toute ouverture de plus de 300m2 à l’autorisation d’une commission. Cette loi prévue initialement pour protéger le petit commerce de centre ville a été instrumentalisée par la grande distribution pour bloquer l’arrivée de leurs concurrents à prix bas (mais à qualité élevée…) et consolider son monopole sur ses zones de chalandise. Les hards discounters ne font pourtant que reprendre le modèle des Leclerc ou des Auchan à leurs débuts, avec des prix de 20 à 50 % inférieurs à ceux de la grande distribution sur certains produits de base, à qualité égale. L’arrivée plus facile de ces hard discounters, le choix qu’auraient ainsi les clients entre plusieurs distributeurs, contribuerait certainement à faire baisser les prix, à la fois en freinant les ardeurs inflationnistes de la grande distribution et en créant une alternative accessible. Quelques bémols, cependant. Beaucoup de hard discounters sont des filiales de grands groupes de distribution et on les voit mal concurrencer brutalement les hypermarchés du même groupe… Et surtout, on peut imaginer que la grande distribution va instrumentaliser les petits commerçants, les maires, les membres des commissions diverses, les politiques « influençables », pour vider cette réforme de sens, en réinstallant, sous prétexte de protéger le petit commerce, des barrières administratives à l’implantations de hard discounters… La menace de la concurrence de magasins à l’assortiment plus simple, mieux gérés, aux produits de qualité mais sans marque (ce qui évite aux clients de payer les coûts de marketing massifs), achetant bien et répercutant leurs efficacité dans leurs prix, est insupportable aux groupes français de distribution. Ils vont s’arc bouter pour bloquer l’arrivée de ces champions du pouvoir d’achat qui rogneraient leurs confortables marges…
Le jury est en délibération sur les nouvelles lois concernant la distribution : les lois favorables à la distribution (répercussion des marges arrière) sont très probables mais celles favorable au pouvoir d’achat (ouverture libre jusqu’à 1000m2) plus aléatoires. Le pot de terre de l’intérêt général se heurte au pot de fer des intérêts particuliers et des lobbies. Mais, même au cas à vrai dire un peu miraculeux où la suppression des barrières administratives permettait aux hard discounters indépendants comme Aldi ou Lidl de fleurir, cela suffirait-il à redonner leur pouvoir d’achat au Français ? La grande distribution française contribue à la baisse du pouvoir d’achat, et néglige quelque peu sa mission d’origine (les prix bas) au profit de ses marges, erreur que l’américain Wal Mart n’a pas commise et qui explique sa résilience à la crise. Mais est-elle seule responsable ?
Non. Nous verrons dans la deuxième partie de cette réflexion qu’il existe, bien au-delà du rôle de la grande distribution, un véritable complot pour…amputer le pouvoir d’achat des Français. Il serait simple d’y mettre fin. Mais qui y a vraiment intérêt ?
La grande distribution peut dégrader le pouvoir d’achat simplement en augmentant ses prix, et donc ses marges, plus vite que ses coûts d’achats. Depuis quelques années, la grande distribution n’a pas su résister à cette tentation. Comme beaucoup d’entreprises, de Microsoft à Easy Jet, les distributeurs sont passés par deux phases dans leur histoire. Dans un premier temps, fournir aux clients un rapport qualité/prix exceptionnel pour se développer, puis, une fois une taille importe atteinte, passer à l’exploitation d’une position dominante en augmentant les prix et à la séduction pour continuer à attirer les clients.
Au cours de la première phase, jusqu’à la fin des années 70, avec un large assortiment, le libre service, et les prix bas, le supermarché, puis l’hypermarché ont apporté un véritable bénéfice à leurs clients. Les grands distributeurs sont devenus les rois de la périphérie, dévastant les zones de magasins de centre ville, créant des furoncles urbains dans toutes la France, mais apportant un vrai plus : du pouvoir d’achat.
Puis ces distributeurs sont devenus rentiers. Qu’il s’agisse des géants monolithiques comme Carrefour ou des agrégats d’indépendants comme Leclerc, ils se sont aperçu qu’ils pouvaient utiliser leur position de domination, leur monopole sur leur zone de chalandise, pour "tordre le coût" à leurs fournisseurs et faire baisser leur prix d’achat sans répercuter ces baisses dans leurs prix de ventes, gonflant ainsi leurs marges. Ils ont également, fort d’un monopole de l’emploi, écrasés les salaires des employés, des manutentionnaires aux caissières. Mieux encore, ils ont constaté qu’ils pouvaient… augmenter les prix sans perdre de chiffre d’affaires. Ils ont même découvert que c’était la façon la plus simple de faire grimper les profits de l’entreprise ou du magasin indépendant. Un centre Leclerc peut rapporter un ou deux millions d’euros par an net à son propriétaire… Les prix ont alors augmenté. Pour coller à leur image de casseurs de prix, les grands distributeurs se sont lancés dans une politique de promotions tournantes, haussant les prix sur l’océan de la majorité des produits, et les baissant sur des petits îlots de produits phares, poussant le vice jusqu’à ne stocker que des quantités minimes de ces produits à prix cassés… A défaut de la réalité du prix bas, créons son illusion. Utilisant ainsi les deux leviers de la domination et de la séduction, les distributeurs ont réussi à se donner un pouvoir de prix qui vient effectivement raboter le pouvoir d’achat des français.
Le gouvernement veut enrayer ce phénomène d’asphyxie du pouvoir d’achat. Il propose deux mesures phares. D’abord autoriser les distributeurs à répercuter leurs « marges arrières », c'est-à-dire les ristournes consenties par les producteurs, dans les prix, une mesure réclamée notamment par M.E. Leclerc. Là, l’effet sera faible. Répercuter dans les prix, cela veut dire amputer ses marges. Or les distributeurs sont devenus des rentiers agressifs, des Père Goriot, voulant avant tout maximiser leurs marges. Circulez. Ensuite permettre l’ouverture sans autorisation préalable de surface allant jusqu’à 1000m2. Là, la loi aurait un impact. Elle faciliterait l’implantation des hards discounters, aujourd’hui freinée par une loi qui soumet toute ouverture de plus de 300m2 à l’autorisation d’une commission. Cette loi prévue initialement pour protéger le petit commerce de centre ville a été instrumentalisée par la grande distribution pour bloquer l’arrivée de leurs concurrents à prix bas (mais à qualité élevée…) et consolider son monopole sur ses zones de chalandise. Les hards discounters ne font pourtant que reprendre le modèle des Leclerc ou des Auchan à leurs débuts, avec des prix de 20 à 50 % inférieurs à ceux de la grande distribution sur certains produits de base, à qualité égale. L’arrivée plus facile de ces hard discounters, le choix qu’auraient ainsi les clients entre plusieurs distributeurs, contribuerait certainement à faire baisser les prix, à la fois en freinant les ardeurs inflationnistes de la grande distribution et en créant une alternative accessible. Quelques bémols, cependant. Beaucoup de hard discounters sont des filiales de grands groupes de distribution et on les voit mal concurrencer brutalement les hypermarchés du même groupe… Et surtout, on peut imaginer que la grande distribution va instrumentaliser les petits commerçants, les maires, les membres des commissions diverses, les politiques « influençables », pour vider cette réforme de sens, en réinstallant, sous prétexte de protéger le petit commerce, des barrières administratives à l’implantations de hard discounters… La menace de la concurrence de magasins à l’assortiment plus simple, mieux gérés, aux produits de qualité mais sans marque (ce qui évite aux clients de payer les coûts de marketing massifs), achetant bien et répercutant leurs efficacité dans leurs prix, est insupportable aux groupes français de distribution. Ils vont s’arc bouter pour bloquer l’arrivée de ces champions du pouvoir d’achat qui rogneraient leurs confortables marges…
Le jury est en délibération sur les nouvelles lois concernant la distribution : les lois favorables à la distribution (répercussion des marges arrière) sont très probables mais celles favorable au pouvoir d’achat (ouverture libre jusqu’à 1000m2) plus aléatoires. Le pot de terre de l’intérêt général se heurte au pot de fer des intérêts particuliers et des lobbies. Mais, même au cas à vrai dire un peu miraculeux où la suppression des barrières administratives permettait aux hard discounters indépendants comme Aldi ou Lidl de fleurir, cela suffirait-il à redonner leur pouvoir d’achat au Français ? La grande distribution française contribue à la baisse du pouvoir d’achat, et néglige quelque peu sa mission d’origine (les prix bas) au profit de ses marges, erreur que l’américain Wal Mart n’a pas commise et qui explique sa résilience à la crise. Mais est-elle seule responsable ?
Non. Nous verrons dans la deuxième partie de cette réflexion qu’il existe, bien au-delà du rôle de la grande distribution, un véritable complot pour…amputer le pouvoir d’achat des Français. Il serait simple d’y mettre fin. Mais qui y a vraiment intérêt ?
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