lundi 5 mai 2008

Lettre au ministre de l’immigration et de l’intégration de l’identité nationale


Cher monsieur Hortefeux,


Il ne fait pas bon être étranger dans la France d’aujourd’hui. Des immigrés vivant en France depuis plusieurs années, ayant un emploi stable, sont expulsés manu militari pour vous permettre, à vous notre ministre de l’immigration, de « l’intégration », et de l’identité nationale, et du co-développement (ouf !), « d’atteindre vos quotas » (25 000 expulsions par an). Le nom de votre ministère devrait-il plutôt être « ministère de l’expulsion » ? Cher et roux ministre, oubliez que si ces maghrébins ou ces africains ont un travail régulier, c’est que nous avons besoin d’eux… Oubliez que leurs entreprises se battent pour leur régularisation. Ne vous étonnez pas que loin de chercher une manœuvre au rabais, de vouloir économiser des charges pourtant écrasantes avec du travail au noir, de pressurer des sans papiers, ces entreprises veuillent déclarer ces employés, veuillent payer leurs charges. Ces petits patrons sont certainement dérangés, car ils vous dérangent. Ils auraient l’audace de vous empêcher de faire vos quotas au nom du « besoin » qu’ils auraient de ces employés, ou au nom d’une humanité qu’ils n’ont aucun droit de revendiquer. Au fond, ces gêneurs voudraient piquer le boulot du ministre des droits de l’homme, votre collègue Rama Yade. Elle a le monopole du cœur, n’est ce pas. Bon, oubliez ces gêneurs, ou demandez même à votre collègue de l’intérieur de les envoyer au trou, et faites preuve d’imagination pour vos quotas. Attaquez vous non seulement aux sans papiers mais aussi aux descendants de sans papiers. Il est trop tard pour bouter hors de France les arrières grands-parents, alors sortez les arrières petits-fils : dehors, les italiens de la troisième génération, les Colucci et les Montand. Les Polonais ou les hongrois de la deuxième génération. Dehors, Sarkozy. Dehors tous ces juifs d’Europe Centrale, venus certainement illégalement avant la deuxième guerre mondiale. Dehors, Goldman. Dehors les descendants de mineurs polonais. D’ailleurs si vous aviez été ministre entre les deux guerres, les travailleurs étrangers auraient fait place aux vrais Français. Peu importe que les mines ne produisent pas : vous auriez atteint vos quotas. Qu’importe les besoins des entreprises, qu’importe le budget de la sécurité sociale auxquels contribuent ces travailleurs, qu’importe la production de l’industrie et des services, qu’importe l’histoire de générations de travailleurs immigrés ayant fait par leur travail la richesse de la France, vous auriez fait vos quotas.
Aujourd’hui, il existe plusieurs dizaine de milliers de sans papiers ayant un travail régulier. Dans sa bonté, le CGT a demandé mille régularisations. Dans son intelligence et son humanité, votre gouvernement est en train d’envisager la régularisation de…trois sans papiers. Vous avez entièrement raison : les voix d’extrême droite sont infiniment plus importantes que la réalité de la petite entreprise et de ses besoins en travailleurs compétents et motivés. Ces hommes et ces femmes qui ont quitté leur pays, qui se sont installés en France malgré les obstacles et les menaces, qui ont réussi à trouver un emploi utile, qui font preuve d’un courage étonnant, qui contribuent à élever le niveau moral d’une population française tentée par l’assistanat, sont pour un homme politique beaucoup moins importants que des électeurs. Vous avez bien raison, monsieur le ministre, seuls les électeurs comptent. Et n’ayant pas de papiers tous ces gens ne sont pas des électeurs. CQFD. Ces travailleurs immigrés travaillant dur et bien, vivant dans l’angoisse d’être transformé en quota et expulsés ne valent bien sûr pas les vrais Français profiteurs du système, ces générations devenues fonctionnaires ou quasi fonctionnaires par souci de sécurité, de retraite anticipée, de vacances prolongées, de journées à cocottes en papier, en un mot vos électeurs. Vous avez eu raison d’inventer l’arrestation inopinée des travailleurs venus demander leur régularisation en préfecture. D’ailleurs, le président de la République a volé à votre secours, en proclamant : « pas de régularisation massive ». Au-delà de quelques dizaines, c’ est massif. Que ces gens passent des mois ou des années à faire le pied de grue devant vos bureaucraties pataudes et impersonnelles pour obtenir des papiers, dans l’angoisse et l’incertitude, tant mieux. Cela les découragera et leur montrera qui est le boss, non mais. Vous êtes la République, vous êtres l’Etat, monsieur le ministre. L’Etat c’est vous, et l’Etat c’est tout. Prenez de la distance par rapport à ces femmes et à ces hommes, à leurs vies, à leurs drames matériels, sinon vous pourriez être tenté par une régularisation rapide et systématique de ceux qui nourrissent les Français de leur travail. Vous pourriez être tenté de faire comme les Espagnols ou les Italiens, des crétins c’est bien connu. Après tout le Roi Soleil affamait la paysannerie française pour financer ses guerres, sa gloire, et ses palais. Pourquoi la République ne broierait pas les travailleurs immigrés pour financer ses retraites, ses sinécures et ses gaspillages. Louis XIV ne pensait pas au drame des paysans mourant de faim : au nom de quoi penseriez vous au drame des immigrés en rétention ou expulsés. Oh, bien sur, l’humanité, la justice, et l’efficacité convergent pour aller vers la régularisation immédiate de ces femmes et de ces hommes, les entreprises la souhaitent, l’intérêt général la demande, mais tout cela ce sont des mots, et il y a la réalité de la politique, du pouvoir, des palais et des dorures de la République, beaucoup plus importants que ces mots creux. Ce serait très dangereux de réfléchir au fonctionnement de l’économie, d’aller sur le terrain, de comprendre ces hommes et les entreprises qui les emploient, vous pourriez être tenté de proclamer « cette histoire de quota, c’était une connerie. Je vais régulariser tous ceux qui bossent, tout de suite. Et je ne renverrai que les autres, ceux qui se glissent dans les interstices du système et l’exploitent. Et pas l’inverse, comme aujourd’hui. Comme mon président, je fais amende honorable. Les femmes et les hommes sont des réalités, pas des quotas, et ceux qui travaillent en France régulièrement doivent y rester, ils sont un bienfait et non un poids, je leur demande de continuer à contribuer à notre prospérité, comme l’ont fait avant eux des générations de Polonais, d’Italiens, de Portugais, de Maghrébins. Du fond du cœur, merci. » Surtout ne le faites pas, je vous en prie. Ce serait trop dangereux pour votre carrière et celle de votre président. Ce serait « dérangeant ». Ce serait courageux, mais chacun sait que le courage en politique est un oxymoron, une forme de suicide. Restez parmi nous, monsieur le ministre, et comptabilisez vos quotas, vous et le grand corps préfectoral créé par Napoléon très certainement pour aider les ministres à faire des quotas. Bons quotas, monsieur le ministre de l’intégration.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Faire venir des étrangers pour faire le travail des RTTistes locaux, c'est tellement facile : vous avez besoin de main d'oeuvre pour vos profits, vos avantages acquis, payer vos retraites, financer vos stocks-options.
Monsieur le donneur de leçons, pourquoi n'engagez vous pas les millions d'enfants d'immigrés sans emploi de nos banlieues, si vous avez tant besoin de travailleurs?
Peut être sont ils moins taillables, corvéables, et sous payables que les sans papiers que vous demandez de régulariser?
Réglons déjà le problème des immigrés que vos prédécesseurs irresponsables ont fait venir en France depuis 40 ans sans souci de leur intégration, du devenir de leurs enfants, pour s'enrichir sur leur dos.
Après nous parlerons de nouvelle immigration.

Anonyme a dit…

Bodinat a raison!nous sommes dans
une histoire a la kafka.