jeudi 9 octobre 2008

Salon de l’auto ou placard de l’auto


Le salon de l’auto a ouvert ses portes. Les semi-remorques badgées Toyota ou Audi amènent stand ou voitures rutilantes. Les pimpantes hôtesses se préparent à sourire. Mais c’est un peu le bal dans le château en flamme. L’automobile est une industrie menacée. Avant même la brutale récession qui s’annonce, l’industrie automobile était confrontée à un défi impossible. Elle était devenue l’une des industries les plus concurrentielles au monde (quinze groupes concurrents s’affrontent en Europe avec trente cinq marques différentes) et son environnement s’était durci, les problèmes de congestion urbaine, de pollution et de pétrole rare pesant sur son avenir et sur ses coûts.
Mais la crise économique déclenchée par la crise financière va amplifier le défi auquel est confrontée l’industrie.
La crise amputera le pouvoir d’achat des ménages en effritant leurs revenus sans faire diminuer leurs coûts fixes. Or l’automobile est un « big ticket item », coûtant cher à l’achat, au comptant comme à crédit. La crise rendra encore plus insupportable le prix déjà trop élevé de la circulation (prix de l’essence), de la congestion (consommation, parking, amendes) et de la pollution (coûts supérieurs, malus). Sous cette double pression, les ventes de voitures neuves vont s’effondrer.
Au-delà du ralentissement des ventes, la crise rendra inopérant le processus de sortie de nouveaux modèles marginalement différents des précédents, en général plus grands et plus lourds, au fond très similaires aux modèles concurrents, et finalement assez peu attractifs car répondant mal aux évolutions rapides et profondes du marché. Les clients deviendront très exigeants sur la réponse à leurs besoins. Ils voudront des nouveautés délivrant de la valeur réelle et non de l’obsolescence contrôlée à travers des restylages de design.
Mais surtout la crise va précipiter la remise en cause du modèle d’offre actuel de l’industrie, le triptyque vente d’un produit (l’automobile), motorisation archaïque (moteur à explosion), consommation d’énergie fossile fournie par un tiers (le pétrolier). Ce modèle ne réponds plus, surtout dans les très grandes agglomérations, aux exigences du marché : faible pollution, coût d’achat raisonnable et coût global d’usage modéré et stable.
Pour survivre, l’automobile devra se réinventer à travers des ruptures d’offre et même des ruptures de modèle, pour éviter le sort de l’industrie de la musique, tuée par son inertie et son archaïsme à l’ère digitale.
Toyota a ainsi démontré, avec son hybride peu polluant et consommant peu, la Prius et avec son modèle quatre places de moins de trois mètres et consommant 4litres au cent en ville, la IQ, qu’il était possible d’introduire de nouveaux modèles calés sur les évolutions du marché.
Le low cost, dont Renault a été le pionnier, qui réponds avec succès au problème de budget des ménages en période de récession ou dans les pays émergents, devra être décliné en gammes larges et amplifié par l’ultra low cost, la voiture à 3000 euros, sur lequel avancent Tata et Renault. Le low cost à l’achat devra cependant être complété par le low cost à l’usage, à travers des prouesses de consommation.
Mais le low cost ne répond pas au problème de congestion, de pollution et de coût d’usage des mégalopoles de plus de dix millions d’habitants ou habite une part croissante de la population de la planète. Le low cost est parfait pour pour Campo Grande ou Avallon. Il est moins adapté à Mumbaï ou à Shangaï. Pour ces mégalopoles, l’automobile va devoir inventer un nouvel écosystème. Vendre de la mobilité individuelle (pour laquelle la demande restera toujours forte), et non des voitures. Moteur non polluant électrique ou équivalent (air comprimé etc.) au lieu de moteur à explosion, et donc énergie simple et peu coûteuse. Offre d’un « paquet » de services comprenant la voiture, son entretien, sa revente, l’énergie, et la place pour la garer contre un abonnement défini et fixe. Le modèle de l’industrie automobile de demain, ce sont Apple (Ipod/Itunes), Orange, ou même le Veli’b.
Les entreprises automobile, pour survivre, sont condamnées à une rupture majeure : passer du vieux modèle qui les a porté pendant cent ans à un nouveau modèle de mobilité individuelle dans les mégalopoles, qui est radicalement différent. Evoluer ou finir au placard, voila quel devrait être le thème du salon…

Aucun commentaire: