mardi 20 janvier 2009

Crise : le tsunami du désendettement

Les économies sous le poids de l'endettement

La crise que nous vivons sera profonde et durable car c’est une crise du désendettement.

Le moteur de la croissance des dix dernières années a été l’endettement. Les particuliers ne consommaient pas leurs revenus mais consommaient leurs emprunts. Ils empruntaient facilement, poussés par des banques ou des organismes irresponsables à s’endetter jusqu’au cou pour acheter de l’immobilier, une voiture, un téléviseur, et même des produits courants. Prêt immobilier, prêt automobile, prêt à la consommation, dette de carte de crédit.
Dans les pays développés, plus de ¾ des achats de voiture sont maintenant à crédit.

Cette frénésie, nourrie par la cupidité et l’inconscience des banques et des organismes de crédit, a conduit à un surendettement des entreprises et de la majorité des particuliers des pays développés. En Grèce, des particuliers ont jusqu’à dix cartes de crédit et utilisent le débit maximum sur toutes leurs cartes. Le total des dettes des Américains sur leurs cartes de crédit est de 1000 (mille !) milliards de dollars. Le taux de défaut sur les cartes de crédit est passé de 2% à 8% (80 milliards de dollars !!!), et il explose sur les emprunts immobiliers. Les individus sont asphyxiés par leurs dettes et la crise est une cyanose provoquée par cet étouffement.

Pour les entreprises, la situation est similaire. Les banques, les hedge funds, les fonds de private equity ont emprunté massivement pour financer leur activité. Une pile colossale de dettes s’est accumulée.

Cette pile instable s’est effondrée en 2008. L’endettement ayant atteint des niveaux absurdes, il est devenu impossible de l’augmenter. Conséquence : la croissance de la consommation a été stoppée, les prix des actifs (immobilier, biens durables) que la dette avait fait grimper vers le ciel, ont été bloqués puis sont redescendus. Les banques ont été obligées de passer des provisions à la fois monstrueuses et sous estimées pour refléter le risque de non remboursement, pour dévaluer les « actifs pourris » qu’elles ont-elles-même créés. Au total, environ 2000 milliards de dollars. Vous avez bien lu. 2000 milliards de dollars, et ce n’est pas fini. La folie des banques les a conduits au bord de la faillite. Seules les aides publiques, de plusieurs centaines de milliards d’euros, leur ont permis d’échapper à leur destin. La seule Bank of America devrait recevoir 120 milliards de dollars pour nettoyer ses actifs toxiques. Privatisation des profits et des bonus, nationalisation des pertes.

L’endettement est devenu insupportable. Le désendettement des particuliers, des entreprises, des banques, est une nécessité absolue. Pour se désendetter, les banques vont devoir « rétrécir » et prêteront de plus en plus difficilement aux autres banques, aux entreprises et aux particuliers. Le marché du refinancement est asséché. Ce désendettement massif fait chuter brutalement la consommation de tous les produits financés par la dette, comme l’automobile, et baisser fortement les prix de tous les actifs financés par la dette, comme l’immobilier. Les ventes d’automobiles en Europe et aux Etats-Unis ont ainsi plongé de plus de 30% au dernier trimestre 2008 et les prix de l’immobilier s’effondrent.

Le secteur financier représentait 8% de l’emploi aux Etats-Unis. Son déclin, comme celui de l’automobile et de la construction, sera profond, et diffusera à toute l’économie, transformant la récession en dépression. Le blocage du pouvoir d’achat, la montée brutale du chômage, amplifieront le phénomène de baisse de la consommation, qui, en appauvrissant les entreprises, freinera l’investissement, d’autant plus que les banques ne prêteront plus qu’au compte-goutte. Le désendettement lamine ainsi à la fois la consommation et l’investissement. Un cercle vicieux systémique s’est créé qui étouffera l’économie réelle jusqu’au moment où la dette sera revenue à un niveau plus supportable. Comme la croissance demande de la dette, le désendettement demande de la dépression. Ce n’est qu’une fois le désendettement réalisé que les économies retrouveront la croissance, mais à rythme supportable, et avec une qualité jusqu’ici manquante…

La solution trouvée par les gouvernements pour « relancer » consiste à substituer l’endettement public à l’endettement privé. Les plans de relance sont des machines à créer du déficit-donc de la dette-publique. Les déficits vont monter à 8% du PNB dans la plupart des pays développés et la dette va monter à plusieurs années de PNB. Mais la méthode de planche à billets est à la fois insuffisante et dangereuse. Insuffisante, car même les 800 milliards d’Obama, qui tendent à l’extrême le budget américain, sont insuffisants face à une crise qui s’exprime en milliers de milliards de dollars. L’essentiel de ces sommes sert non à relancer la consommation et l’investissement mais à éviter la faillite des grandes entreprises, comme AIG, General Motors, ou City, en les subventionnant. Or la faillite de grandes entreprises pose des problèmes graves à court terme, mais à long terme, l’économie, l’emploi et les consommateurs peuvent mieux s’en porter. Si l’inefficace General Motors disparaissait et si sa part de marché était récupérée par l’efficace Toyota, travailleurs, sous-traitants et consommateurs s’en trouveraient mieux…Sauver General Motors est au fond une décision catastrophique qui ralentit l’inévitable ajustement structurel. Au lieu de couper le cancer, on le nourrit…

Et l’endettement des états dû à leur laxisme récent et à leurs plans de relance aussi « massifs » qu’inutiles risque de devenir lui-même insupportable. Les états peuvent faire faillite, quand leurs dettes sont telles que même les impôts des générations futures sont insuffisants pour les rembourser. La Finlande est au bord de la banqueroute. En Europe, la Grèce, L’Irlande et l’Espagne commencent à être secoués. Et de même que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, la dette américaine ne peut être infinie. Pour « sauver » l’économie, les plans de relance créent un énorme risque d’effondrement des états sous la dette, qui aggraverait massivement la crise.

On ne peut lutter contre le tsunami du désendettement. C’est se battre contre la marée descendante avec un seau et une pelle. Au lieu de ce combat perdu, les gouvernements devraient alléger les effets les plus douloureux de la dépression pour les plus vulnérables, par exemple en renforçant les allocations chômage, en plafonnant les intérêts débiteurs, en finançant des remises de dettes, en facilitant la faillite personnelle. C’est quand tout va mal que la solidarité et la protection sont précieuses. Les victimes de la crise ne sont pas les dirigeants. Goldman Sachs a reçu huit milliards de dollars de subvention….et a distribué près de deux milliards de dollar de bonus en 2008…Les victimes ce sont les millions de chômeurs que la dépression va créer, ou tous les ménages surendettés dont le pouvoir d’achat et les perspectives sont bloquées. Les riches vont s’en tirer, sauf les imbéciles qui ont tout investi en Madoff, les pauvres vont trinquer. On ne peut pas éviter la dépression du surendettement. On peut en minimiser la douleur pour les plus touchés en utilisant la dette de l’état pour protéger les victimes au lieu de renflouer en vain des mastodontes condamnés….D’autant que les victimes sont des consommateurs et que les empêcher de sombrer…serait bénéfique pour la consommation donc pour la relance, car que peut faire un pauvre de l’argent sinon consommer plus, lui qui n’a pas d’espace pour l’épargne.

Rien ne peut être fait pour endiguer le désendettement et la dépression qui l’accompagne. Nous avons trop bu, nous nous sommes saoulés de dettes et de profits à court terme. On peut alléger les souffrances des plus menacés, le temps que la gueule de bois disparaisse. Mais endetter l’état pour lutter contre la dépression revient à faire boire un ivrogne pour le guérir. C’est le sevrer, le remède…Pour qu’il récupère…En quelques années…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour cet article très intéressant. Je me permets de vous suggérer une autre approche de la crise, réalisée par les journalistes de Mediapart et trouvée au gré de mes vagabondages Internet.

Les journalistes de Mediapart sont allés sur le terrain, dans de nombreux endroits en France, recueillir des témoignages. son, diaporama, vidéo, écrit.

Voilà le lien. Le site est payant mais les non abonnés auront déjà un bon aperçu de la démarche entreprise.

http://www.mediapart.fr/journal/france/230109/vivre-la-crise-une-serie-de-mediapart

Bonne lecture