vendredi 5 décembre 2008

Le plan de relance de Nicolas Sarkozy est il voué à l’échec ?

Tétanisés par la perspective d’une récession, tous les gouvernements se débattent pour faire reprendre à leur économie le chemin de la croissance. Les économistes, dont la capacité à prévoir la récession a été nulle, pérorent maintenant dans les media en donnant les recettes miracles pour la combattre. Nicolas Sarkozy a présenté à Douai le 4 Décembre son plan de relance massif.

Tous ces plans sont voués à l’échec.

La croissance ne se décrète pas. Elle est le fruit de millions de décisions prises par des agents économiques, ménages ou entreprises. Or quelle est la situation ? Les ménages, pris en tenaille entre spectre du chômage, baisse du pouvoir d’achat, et baisse de la valeur de leurs actifs (immobilier, actions) vont très légitimement ralentir leur consommation. Les ventes de voitures neuves ont baissé de 20 à 50% suivant les pays en Europe. Ni une baisse de la TVA de quelques points, ni une prime à la casse, ni des facilités de crédit, ni même une relance de l’immobilier ou de la construction n’ont le pouvoir de faire consommer les ménages.
Les entreprises, confrontées à une chute ou à une stagnation de leur chiffre d’affaires, aussi bien dans la demande intérieure qu’à l’exportation, à des coûts de financement en hausse, et à des crédits raréfiés, vont se battre pour réduire leurs coûts, d’abord en mettant à la diète leurs fournisseurs, puis en baissant leur masse salariale. Les investissements vont diminuer voire s’arrêter. Ce n’est pas en diminuant les taux directeurs (le coût du crédit augmente alors même que les taux baissent, car la prime de risque demandée par les banques est en hausse), ou en allégeant les impôts ou même en facilitant le crédit que la machine repartira. Ni avec des subventions massives. Tout au plus aura-t-on éloigné le spectre de la faillite dans la banque, l’automobile ou la construction (« too big to fail »).

Les plans d’urgence des grands gouvernements ont le pouvoir d’enrayer une crise systémique mais sont impuissants à relancer la croissance. Paradoxalement, la seule mesure pouvant éviter une diffusion massive de la crise par dumping sur les exportations, est le protectionnisme régional, au niveau d’un ensemble économique comme l’Union Européenne. Mais cette solution est condamnée d’un trait par les têtes pensantes de l’économie, au nom d’une idéologie libre-échangiste bornée. Le libre-échange mondial des quinze dernières années a été un cadeau royal fait à la Chine et à l’Inde, qui ont massivement exporté et ont importé au compte goutte, détruisant activité, savoir-faire et emplois en Europe tout en accumulant des réserves considérables, le tout avec la complicité des grandes entreprises transnationales. Filtrer les importations venant de ces pays à la monnaie sous-évaluée serait une solution pour amortir la crise. En 1929, le protectionnisme national a exacerbé la crise. En 2009, à l’inverse, maintenir le libre échange au niveau mondial va l’amplifier par dumping des pays plus puissants ou mieux contrôlés. Paniquée par le ralentissement de la croissance, la Chine a d’ailleurs commencé récemment à dévaluer le Yuan. Il faudrait en partie détricoter la mondialisation tout en continuant à tricoter la régionalisation, mais l’idée n’est pas économiquement correcte…

La méthode Coué a ses limites : les plans de relance par la fiscalité, le déficit budgétaire, les grands travaux, les subventions, ne relanceront pas nos économies. Au lieu d’une frénésie de plans dans lesquels des centaines de milliards s’envolent au vent, Nicolas Sarkozy et ses pairs devraient se préparer et préparer leurs pays à affronter quelques années de récession, et avoir le courage de démystifier les incantations économiques aussi efficaces pour faire venir la croissance que les chants indiens pour faire venir la pluie.

Est-ce si grave ? Non. La croissance est devenue une drogue dure dont il est temps de se libérer. La récession n’est pas un changement de rythme de l’économie, mais un signal que nous sommes en train, que nous devons, changer de société. La métaphore de l’économie comme un véhicule qui accélère ou ralentit, qui structure l’esprit des politiques ou des économistes, est fausse. Nous sommes en train de changer de mode de transport, pas de changer de vitesse. La récession est le résultat et le symptôme, de l’obsolescence d’un certain mode de consommation et de croissance. La financiarisation de l’économie et le crédit irresponsable font partie d’une époque révolue…

L’absence de croissance n’est pas l’enfer, contrairement à ce que proclament les augures menteurs ; c’est l’occasion de recréer une plus grande qualité de vie, de transférer des dépenses et des investissements de l’inutile ou du nuisible vers l’utile. Par exemple, le taux d’obésité croît de façon alarmante en France : il est peut être temps de faire décroître la malbouffe, ou d’arrêter de consommer des produits trop chers, trop gras, trop sucrés, trop OGMisés, n’apportant pas de valeur réelle. Ce qui est ennuyeux pour certaines entreprises multinationales serait très positif pour des centaines de petits producteurs de produits simples et sains.

La politique économique, plutôt que de s’épuiser à relancer une croissance perdue, devrait plutôt accompagner les changements structurels en cours.

Guider les ménages vers une consommation plus saine, plus locale et plus frugale (par exemple dans l’agro alimentaire en augmentant la TVA sur tous les produits gras, sucrés, ou bourrés d’additifs et en la diminuant sur les produits plus simples et plus sains). Cette évolution relancerait l’activité intérieure et ne pénaliserait que quelques entreprises géantes et mondialisées. Faciliter le passage de l’économie matérielle à l’économie immatérielle, glisser des produits coûteux sans valeur réelle à des produits dématérialisés accessibles apportant une vraie valeur au consommateur : un peu moins de polos Ralph Lauren un peu plus de contenus numériques légaux sur le net ou sur les mobiles. Un peu plus de logements décents, un peu moins de grosses voitures…Et remettre en question les rentes de situation des monopoles comme la SNCF, EDF ou GDF, pour faire baisser leurs prix, et augmenter ainsi le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises clientes…malgré la baisse du PNB…

L’échec des plans de relance aura des conséquences terribles, car le gaspillage aura été massif et l’espoir déçu considérable. Plutôt que d’essayer de se battre contre le courant et les vagues, il faut savoir les surfer.

Au lieu d’un plan de relance, on peut imaginer un plan de secours pour ceux que la crise frappera le plus durement, les 7 millions de pauvres que compte la France, plan financé au besoin par un effort de solidarité des ménages ou des entreprises les plus riches. Les plus riches ont tout intérêt à contribuer au desserrement de l’étau sur les plus pauvres : en 1789, c’est le refus de la noblesse et du clergé de contribuer aux dépenses de l’état en période de crise qui a conduit à la convocation des Etats-Généraux et … à la révolution.
Et à côté du plan de secours, un plan de qualité de vie, à travers non des usines à gaz, mais des mesures fiscales, réglementaires ou régulatrices simples, permettant une augmentation du Bonheur National Brut tant que le Produit National Brut est en berne…Peut-être pour longtemps…