lundi 8 novembre 2010

Air France, TF1, Alstom, ou la concurrence au rebut


Certaines entreprises n’aiment pas la concurrence. Plutôt que de s’efforcer de donner le meilleur service possible à leurs clients, elles préfèrent mettre des bâtons dans les roues des concurrents. Ce qui leur permets accessoirement de préserver leur rente et finalement d’éviter de satisfaire leurs clients.

Ces entreprises ne jouent pas le jeu de l’économie de marché. Au contraire elles essaient d’en casser les principes pour en tirer un avantage particulier. Le monopole est leur idéal.

Trois exemples récents illustrent cette stratégie.

Air France s’est toujours battu avec acharnement contre Ryanair. La compagnie low cost a eu le culot d’abaisser le prix du transport aérien tout en ayant des marges plus élevées que notre champion national.

Air France a donc utilisé sa relation incestueuse avec la DGAC, la Direction générale à l’aviation civile, qui accorde les « slots » permettant d’effectuer une liaison aérienne, pour barrer la route à son concurrent. Le patron actuel d’Air France, Monsieur Gourjeon, est en ancien de la DGAC…

Pas de Paris Marseille ou de Paris Nice pour Ryanair même si cela, pardon parce que cela, aurait divisé par deux le prix du billet. Ryanair a été réduite à la portion congrue (Liverpool/Brive, Londres/Marseille) et écarté des lignes les plus importantes.

Tout en écartant « administrativement » son rival des lignes les plus intéressantes, Air France a attaqué en justice les aéroports qui osaient subventionner indirectement Ryanair, indifférent à l’intérêt général qui poussait des collectivités territoriales a créer des emplois ou de l’activité locale.

Enfin, Air France a soutenu en sous-main les attaques de la sécurité sociale contre Ryanair, imposant les charges sociales françaises massives au personnel de bord Ryanair localisé à Marseille entre deux vols, malgré le fait qu’il ne soit pas de nationalité française et que son travail ne soit pas localisé en France mais dans le ciel européen.

Ce qui a conduit Ryanair à fermer son escale de Marseille…

Alstom a toujours considéré que la SNCF était son pré carré et que la compagnie nationale n’avait pas le droit d’acheter des trains rapides à ses concurrents, comme Siemens ou Bombardier, même si ceux-ci étaient moins coûteux ou plus performants.

Le caractère public de la SNCF, la volonté de son PDG de rester en place, les réseaux administratifs ou politiques, ont conduit à ce monopole de fait, contraire à l’intérêt de la SNCF ou de ses clients.

Les trains Alstom sont en principe techniquement corrects, mais le taux de panne et donc de retard semble élevé, et certains points qui sont des détails pour les ingénieurs d’Alstom pourrissent la vie des clients, comme les toilettes fonctionnant mal ou le bar lilliputien à file d’attente inacceptable.

Eurostar est une société dans laquelle la SNCF est majoritaire grâce au rachat d’actions d’autres partenaires, mais c’est une société indépendante, à l’actionnariat tripartite, Français, Belge, et Anglais. Et bien, Alstom s’est révolté contre le fait que cette société indépendante aie choisi Siemens pour de nouvelles rames…Le mépris de la concurrence loyale, le mépris de l’intérêt du client (Eurostar) et du client du client (vous et moi quand vous allez à Londres) est total.

Alstom, société privé française, a déclaré avec un culot surréaliste qu’Eurostar étant une société dans laquelle la SNCF, entreprise publique française, était majoritaire, elle n’avait pas le droit d’acheter du Siemens ! Et les pouvoirs publics français, par la voix du ministre des transports, Monsieur Bussereau, de surenchérir : Eurostar doit acheter Alstom. Mépris du droit, mépris du client, mépris de l’Europe. Haro sur la concurrence.

TF1, comme M6, s’est épanoui à l’abri du monopole que lui donnait la rareté des fréquences hertziennes. La TNT a légèrement rebattu les cartes mais TF1 a su, avec la complicité du CSA, mettre la main sur une série de fréquences et reconstituer dans le numérique sa position dominante…

Mais arrive Google TV. Oh horreur, Google TV permet au téléspectateur de choisir ce qu’il va regarder. Google TV c’est en effet essentiellement un moteur de recherche intelligent et efficace permettant au client final d’identifier le programme qui corresponds le mieux à son intérêt ou à son envie, non seulement parmi les programmes de télévision hertzienne ou câblée, mais aussi sur tout le web. Un choix très large facilité par des outils d’intelligence, un peu comme Amazon le fait pour choisir et acheter un disque ou un livre.

Cette concurrence affole TF1, qui après avoir fait pression sur Samsung pour qu’il abandonne Yahoo TV (un équivalent inférieur de Google TV), clame haut et fort qu’elle ne laissera pas l’ogre Google lui manger ses euros, M6 et France Télévision se joignant au chœur de pleureuses de l’anti concurrence.

Autant on peut comprendre que les chaines ne sont pas d’accord pour que Google incruste sa pub dans leurs programmes, autant essayer de tuer dans l’œuf un service aussi utile et aussi pertinent est un combat d’arrière garde contre l’intérêt des téléspectateurs. C’est comme si Orange avait tenté de bloquer les Aple Apps sous prétexte qu’il ne touchait pas de commission sur les Apps payantes.

Le moteur de recherche Google TV est un bienfait pour les téléspectateurs, et il est normal que Google commercialise, non de la pub dans les programmes, mais de la pub sur le moteur ou sur les résultats de la recherche, avant le programme !

Air France, Alstom, TF1, ou comment l’intérêt du client final est méprisé, comment le marché est piétiné, comment la concurrence est sabotée, pour permettre de préserver une rente injustifiée…

Se battre à la loyale contre ses concurrents, en proposant services ou produits exceptionnels à des prix acceptables, et capitaliser sur les ruptures favorables au clients donne plus de chance à une entreprise de décoller que le sabotage de la concurrence. Si Apple, Ryanair, ou Ikéa avaient eu la même approche, qu’Alstom, Air France, ou TF1, elles seraient restées des entreprises marginales et provinciales.

Mais jouer le jeu est plus difficile que tricher, et implique des efforts et un talent que tous les dirigeants ne sont pas prêts à mobiliser. Alain Weil, de BFM TV, a été l’un des seuls dirigeants de chaine de télévision à estimer que Google TV était une opportunité et non un monstre à tuer dans l’œuf.

jeudi 4 novembre 2010

Les français cocus mais contents

Le président Chinois, Hu Jintao, vainqueur et content.

La visite du président Chinois en France fait l'objet d'un battage médiatique bruyant, à la gloire du gouvernement français et des contrats majeurs qui seront signés.

Pourtant, la France est une des grandes perdantes de la stratégie Chinoise de dumping monétaire et de fermeture aux importations. Le Yuan est sous évalué de plus de 50% et le déficit commercial français avec la Chine est abyssal, passant de 5 milliards en 1999 à 22 milliards d’euros en 2009.

Le pire n’est bien sûr pas ce déficit commercial, mais le désastre industriel qu’il provoque : des pans entiers de notre industrie ont disparu ou sont en train de disparaître, comme le textile, le jouet, l’électronique, les équipement télécoms ou le meuble et d’autres sont menacés à terme, comme l’automobile, le matériel ferroviaire, l’aéronautique ou même le nucléaire.

Comme la Chine nous achète infiniment moins qu’elle ne nous vend, le résultat est une destruction d’emploi nette pour la France et une création d’emploi nette pour la Chine. L’évaporation industrielle non compensée est à une des causes majeures de la stagnation et du chômage structurel que connaît la France aujourd’hui.

Par ailleurs, la Chine, grâce à ses réserves de plusieurs milliers de milliards de dollars, peut à la fois faire monter l’euro, détériorant encore notre compétitivité, et acheter des fleurons de l’industrie française, comme elle a acheté déjà Volvo ou un morceau de la Grèce.

Mais quand Monsieur Hu Jintao, le remarquablement intelligent président Chinois, vient en France, nul n’ose évoquer ces sujets d’une gravité majeure mais qui pourraient le fâcher. La Chine a compris que le monde est à la fois un champ de bataille économique et un grand théâtre. Quand leurs intérêts sont attaqués même de façon justifiée, les Chinois sortent le grand jeu de la fâcherie. Et ils utilisent toutes les armes en leur possession pour menacer leurs contradicteurs ou toutes les carottes pour les faire marcher au pas sagement.

Le président Chinois a ainsi très bien compris quels hochets il fallait agiter devant les français pour les embobiner : des promesses de contrats. Des signatures en grande pompe, des communiqués triomphalistes, turlututu chapeau pointu.

Le gouvernement français est devenu un représentant de commerce à courte vue, qui se glorifie de quelques contrats dans le nucléaire, l’aéronautique ou l’équipement, en oubliant le mentionner le transfert de technologie qui va avec et qui fera à terme de la Chine un concurrent redoutable dans ces secteurs, et en oubliant bien sûr d’évoquer le chômage ou la stagnation Française provoqués par la sous-évaluation systématique du Yuan depuis dix ans et par les freins multiples aux importations créés par la Chine.

La Chine nous comprends et manœuvre avec une habileté remarquable pour promouvoir ses intérêts au détriment des nôtres.

Nous, nous sommes cocus, mais contents.